dimanche 27 décembre 2009

Klute d’Alan J. Pakula (USA/1971/114’’/35mm/Couleur/Scope/vostfr).



Un petit classique de temps en temps, ça peut pas faire de mal, surtout à la culture générale. Ce thriller américain de la contre-culture des 70ies, paranoïaque et psychédélique (si si un peu quand même) est véritablement intéressant et mérite d’être (re)découvert. Ressorti en copie neuve depuis le 25 novembre, le cinéma Grand Action le jouait en salle 1 (une belle et grande salle à l’écran légèrement concave, quel plaisir de voir des films là), devant environ 17 personnes (bon notons quand même quelques pubs avant le film, normal c’est la salle principale, et puis faut bien que quelqu’un injecte des sous dans le 7e Art…). Film politique qui détourne les codes du polar pour devenir un portrait intimiste et oppressant d’une femme libre et indépendante en pleine révolution sexuelle et psychanalytique, Klute avec ses écoutes téléphoniques, sa surveillance voyeuriste, son ambiance cloisonnée et parano, annonce deux grands films du cinéaste, The Parallax View (A cause d’un assassinat 1974) et All the President's Men (Les Hommes du Président 1976), histoires de journalistes en plein scandale politique.
Pakula nous livre ici un film atypique, intrigant, un curieux objet de cinéma, emblématique de ces années là et de la révolution sexuelle et sociale de la femme, et symptomatique de la paranoïa de cette époque.

Résumé :
Tom Gruneman a disparu depuis six mois. Le détective privée John Klute (Donald Sutherland), mandaté par l’épouse de Tom et son associé (Charles Cioffi), se rend à New York pour mener l’enquête. Seule piste fournie par la police : une call-girl, Bree Daniels (excellente Jane Fonda pour un de ses grands rôles), à qui Tom aurait adressé des lettres obscènes. Klute s’installe dans le même immeuble qu’elle, et à l’aide d’une table d’écoute, enregistre ses conversations téléphoniques (omniprésentes durant tout le film).
Peu après, Klute entre en contact avec elle pour l’interroger : une relation d’attirance et de répulsion s’installe entre eux…




Le film s’ouvre direct sur un repas de famille légèrement bruyant (les dialogues ne sont pas sous-titrés à ce moment là), déjà lourde de pression et de malaise. L’homme qui préside à table (Robert Milli/Tom Gruneman), on le retrouve immédiatement en photo après, et on apprend qu’il a disparu. Klute est lancé à sa recherche et sa seule piste, c’est le nom d’une call-girl et les lettres obscènes que lui envoyait Tom. Ça commence bien, et d’ailleurs cette histoire d’enquête va vite dévier sur la relation du détective et de la call-girl, et particulièrement sur l’angoisse de cette dernière (angoisse existentielle, mais surtout angoisse imposée par le tueur invisible et mystérieux. On le découvre d’ailleurs qu’à la fin, même si des pistes nous mettent la puce à l’oreille), sur sa vie entre casting ratés et prostitution, sa mentalité de femme libre et livrée à elle-même dans la ville grouillante qu’est New York, ses paroles aussi, largement enregistrée et entendue, et ce, dès le générique (un générique bien 70ies avec écritures rouges et gros plan d’un enregistreur à bande magnétique sur fond sonore de cette voix prenante de femme). Des paroles crues et sans concession, totalement choquantes pour l’Amérique puritaine de l’époque. Bree parle (et pratique) librement du sexe, du fait de jouer un rôle, de ce qu’elle veut, mais aussi de ses angoisses de ses peurs, de manière moins explicite. Des séances de psychanalyse filmées viennent entrecouper le métrage, nous en apprenant plus sur une femme moderne qui peine à se dévoiler, à se montrer entière. Jane Fonda (qui a d’ailleurs obtenu l’Oscar de la Meilleure Actrice en 1971 pour ce rôle) est absolument magnifique dans la peau de Bree Daniels, pleine de sensualité assumée, de provocation, de franc parler. Elle ne semble pas avoir besoin des hommes, et symbolise cette révolution sociale en faveur des femmes et de leur rôle à jouer dans cette Amérique en pleine mutation.
En face, on a Donald Sutherland impassible, mutique, dénué d’émotions, excellent dans ce rôle de détective désabusé et nonchalant. Même dans son penchant voyeuriste (ses écoutes téléphoniques, seul dans sa petite chambre miteuse, la magnifique scène du striptease de Bree devant un homme plus âgé qu’elle pendant qu’elle lui raconte un énorme mensonge qui semble la faire rêver aussi), il ne semble rien ressentir, et on finit par se demander ce qui le pousse à continuer cette enquête vraiment bizarre. C’est Bree Daniels bien sûr (il a soi-disant besoin d’elle pour avancer dans ses pistes), sans qu’il n’ose se l’avouer. Une relation étrange (appuyée par cette dimension de surveillance et de voyeurisme) nait progressivement entre eux, d’abord un gros vent que se prend Klute devant la porte de l’appartement de Bree, qu’elle lui claque au nez, puis petit à petit, Klute devient protecteur, mais à sa manière (toujours mutique et impassible devant son « rival », l’ancien proxénète de Bree, immense Roy Scheider, petites chemises ouvertes funky et balafre à l’œil, trop classe dans ce rôle de maquereau imbu de sa personne, « C’est elles qui demandent et qui en veulent » dit-il plus ou moins en parlant des femmes. La scène d’ailleurs où Bree est totalement défoncée, est vraiment géniale : on la suit dans la foule de la discothèque, errante et titubante, elle s’arrête à une table, s’assied sur les genoux d’un type, l’embrasse fougueusement, se lève soudain pour aller danser suivie du type, qui reste planté sur la piste de danse quand elle reconnait une amie qui lui montre quelqu’un. Contrechamp sur Franck Ligourin/Roy Scheider assis comme un prince sur un fauteuil classe avec une fille à son bras, Bree entre dans le champ et vient se mettre de l’autre côté, il lui tire les cheveux quand elle s’approche, puis la prend doucement dans ses bras. Elle semble totalement subjuguée par ce pimp arrogant et macho, malgré sa force de caractère de femme indépendante. Cette scène est vraiment envoutante et pleine de malaise et de sensualité). Une scène d’amour entre eux m’a frappé : après un léger moment de ce qui ressemble à de la tendresse, elle se remet à le considérer comme un client et le rejette violemment (elle semble plus apprécier son ex mac que Klute qui la respecte beaucoup. D’ailleurs elle parle de cette relation et de la peur qu’elle en a lors des séances psychanalytiques. Le fait que Klute l’aime pour ce qu’elle est et non plus ce qu’elle montrait parait la troubler et lui faire peur). La scène du marché cependant est belle grâce à ce couple qui semble enfin unit et heureux, malgré l’opposition de leur caractère (cette séquence est d’ailleurs magnifique avec son fort aspect documentaire et pris sur le vif, dans la réalité).


Mais le polar (car c’en est un tout de même) revient vite au galop, quelques moments forts viennent nous rappeler que Pakula s’il se joue des codes du genre, les maitrise parfaitement (poursuites, surveillances). On pense notamment à ce long travelling arrière lent et angoissant sur Bree pendant un coup de fil anonyme et nocturne qu’elle ne décroche pas. Le téléphone sonne et l’angoisse monte crescendo et sourde, pour finir sur cette femme seule dans son appartement claustrophobique. Effet dramatique garanti. Plus tard, lors d’une scène d’amour manquée, alors que Klute a entendu un bruit suspect au dessus de la verrière, la mise en scène nous emmène violemment dans une poursuite contre un ennemi invisible. Klute court, traverse des endroits sombres et inaccessibles (couloirs de maintenance, échelle, toit, cage d’escaliers crade), pour finir dans un squat de jeunes qui se défoncent. Fausse piste. Mais tout ce moment de pression est accentué par une musique totalement psychédélique de Michael Small (gros travail sur la bande son et la musique de ce film), qui nous transporte entièrement. La recherche d’une prostituée les emmènent ensuite dans des endroits de plus en plus glauques, dans une visite guidée d’une New York pas très reluisante (notons un pur plan en hélico).
Et au final, des recherches graphologiques (les « the » transformés en « hte ») nous apprendront que le méchant n’est autre que le riche et honorable Peter Cable, qui ne veut pas se compromettre avec une pute. La scène finale de confrontation est excellente, d’une violence sèche, brutale au montage très cut, en contre-jour d’où on ne voit que des silhouettes. La photographie de Gordon Willis est d’ailleurs magnifique et rend particulièrement bien cette ambiance de mystère et d’oppression (sentiment d'enfermement et de cloisonnement rendu aussi par les décors: l'appartement de Bree et sa lucarne, celui de John Klute, le bureau du méchant avec sa grande baie vitrée et son mur mobile, etc.).
Toute l’explication de cette histoire de complot et de faux-semblants claustrophobiques sera éludée sur la bande magnétique avec la voix de Peter Cable, bande-son omniprésente durant tout le métrage.
Un film bien ficelé et plaisant à regarder pour sa densité et son témoignage d’une époque en pleine mutation incarnée par une femme qui s’affranchit. Une mention spéciale pour la scène de casting qui introduit Jane Fonda, séquence bizarre et désagréable (la manière dont sont traités les mannequins), sur un fond psychédélique (ces photos géantes d’un visage de femme, reprographié en négatif sur le mur).



http://www.imdb.com/title/tt0067309/
http://en.wikipedia.org/wiki/Klute
http://www.solaris-distribution.com/Klute/klute.htm
http://versusmag.wordpress.com/2009/11/23/klute-de-alan-j-pakula/
http://thewasteland.over-blog.com/article-35306622.html
http://www.citizenpoulpe.com/klute-alan-j-pakula/
http://www.yozone.fr/spip.php?article8736
http://www.cinemaniac.fr/news/klute-reprise-d-un-thriller-noir-culte-seventies
http://archive.sensesofcinema.com/contents/cteq/01/13/klute.html
http://www.notrecinema.com/communaute/v1_detail_film.php3?lefilm=9762
http://www.menstyle.fr/culture/cinemas_tv/articles/091120-klute-revient-.aspx
http://www.legrandaction.com/index.php?option=com_content&view=article&id=165
http://www.excessif.com/dvd/actu-dvd/dossiers/klute-au-coeur-des-seventies-4980245-760.html

Eddie, le 4 décembre 2009.

Black Dynamite de Scott Sanders (USA/2009/90’’/35mm/Couleur/Vostfr).



Ce samedi soir, dans le cadre des « Pépites du Cinéma », festival itinérant de films urbains du 2 au 8 décembre 2009, le cinéma L’Etoile à la Courneuve projetait en avant-première et en entrée libre Black Dynamite (sortie en France janvier 2010), le second film de Scott Sanders. Programmation intéressante composée de films véritables « pépites », courts et longs métrages, fictions et docus à découvrir. (http://www.wix.com/lespepitesducinema/SITE-EDITION-2009).
Dès l’après-midi, on pouvait y voir un riche programme de courts métrages, et la veille, le film belge de Nabil Ben Yadir, Les Barons, qui sort aussi en janvier 2010 et qui a vraiment l’air excellent, et dont voici la bande-annonce : http://www.dailymotion.com/video/x430hf_official-teaser-les-barons_shortfilms et http://www.youtube.com/watch?v=vd8t9p2FyE4.
Public clairsemé (une vingtaine de personnes), pour ce film évènement qui remet le cinéma blaxploitation au goût du jour. La bande-annonce de ce film était déjà prometteuse, c’est donc avec l’eau à la bouche que je m’assois en attendant le début du film. Petite musique funky/soul pour patienter, l’accueil est sympa dans ce cinéma. Le film commence par une vraie-fausse pub juste énorme, vantant les mérites de l’Anaconda Malt Liquor, boisson assermentée par le gouvernement et visiblement délicieuse. Cette publicité ne prendra son sens que plus tard de manière judicieuse, dans un final narrativement chaotique. On pense à la bande annonce d’El Machete, et à tout ce délire Grindhouse réintroduit par Tarantino et Rodriguez.


Résumé :
Black Dynamite (Michael Jai White) est le type le plus redoutable et le plus cool de toute la ville.
Cet ancien commando de la CIA (et accessoirement proxénète charismatique) règne sur les rues, un 44 Magnum dans une main et un nunchaku dans l'autre. Avec sa pratique du kung-fu qui n'appartient qu'à lui, il fracasse la tête des mauvais payeurs, des dealeurs de drogue, et tous ceux qui se mettent en travers de sa route (la grand-mère d’un fourbe débiteur, une fabuleuse course poursuite à pieds contre Cream Corn de toit en toit, des tonnes de méchants qui font les malins, et même la première dame des Etats-Unis). Fier de sa couleur, Black Dynamite est aussi le chéri des dames avec son style trop classe (« Pas aussi fort mama, tu vas réveiller les autres bitches »).
Lorsque Jimmy, son frère, est mystérieusement assassiné, la CIA demande à Black Dynamite de reprendre du service. En remontant la piste d'une douille trouvée sur les lieux du crime (« C’est du lourd »), Black Dynamite se retrouve au milieu d'un vaste complot destiné à affaiblir l'Homme Noir: de la drogue est distribuée dans les orphelinats de la région et le ghetto est inondé de bière frelatée (revoici donc la fameuse Anaconda Malt Liquor présentée en début de film, qui est en fait destinée à réduire la virilité). Avec l'aide de la belle et militante Gloria (Salli Richardson-Whitfield), Black Dynamite décide alors d'éradiquer définitivement les auteurs de cet affreux complot, et remonte la piste jusqu’à la Maison Blanche...




Les poncifs du genre, codes et thématiques, sont exploités au maximum dans ce film, que ce soit au niveau narratif (le frère infiltré dans la CIA et mort par la drogue-en l’occurrence ici des dealers, les éternels loyaux amis militants des Black Panthers, le fléau de la drogue, le méchant qui s’avère être l’agent de la CIA ami du héros, les séquelles de la guerre du Vietnam, les politiciens véreux et les agents du gouvernement corrompus, le méchant et fourbe docteur chinois (excellent Dr Wu avec ses lancers de couteaux boomerangs qui surgissent de n’importe où), le complot politique caché derrière une simple histoire de drogue, toutes les femmes lascives qui craquent devant ce héros baraqué et imbu de sa personne (le sous titre « Hundred dollar suits, ten thousand dollar cars, million dollar ladies » en dit long), réunion de « pimps » en mode syndicat (scène géniale reflétant le fameux bon gout de ces maquereaux afro-américains), grosses poursuites hallucinantes et autres bagarres, on peut dire que Scott Sanders maitrise parfaitement son sujet. De plus, au niveau formel, tout est là : générique funky et nerveux, gros zoom et flous de mauvais gout, splits-screen, perches de micro dans le champ, faux-raccords, dialogues pourris qui ont l’air mythiques, nombre incalculable de stock-shots, esthétique un peu dégueu des 70ies (dans la lumière, les cadres, les décors, les attitudes des personnages), montage sauvage et bordélique (l’intro est géniale pour ça : après avoir buté la taupe qu’ils soupçonnaient, les bandits reconnaissent le frère de Black Dynamite, et un montage clipesque voire très cartoon, nous présente le héros « Dynamite ! » et les conséquences engendrées par cet acte meurtrier inconsidéré « Vous avez buté le frère de Black Dynamite, ça va péter.. ! », dans une série de plans très cut nous le montrant cassant des gueules, effectuant de monstrueuses attaques de diverses formes, entrecoupées de cascades et d’explosions impromptues, pour enchainer avec le titre du film et ses prouesses amoureuses « Où qu’il soit en ce moment, ça va barder », montage champ-contrechamp sur le héros et les filles pendant l’acte sexuel avec mouvements de caméra appuyés signifiant subtilement la vision subjective…), bastons incongrues mais relativement bien réglé par rapport aux films d’époque du même genre, seconds rôles et méchants hauts en couleurs (Cream Corn, Tasty Freeze, Gunsmoke, Kotex, Bullhorn, Sweet Meat, Honeybee, Saheed, Chicago Wind, Chocolate Giddy-Up, et autres noms farfelus).
Il est intéressant de remarquer comment le réalisateur se joue de tous ces codes, et les appuie même à certains moments (je pense notamment aux scènes avec des voitures qui sont utilisées par les acteurs n’importe comment dans le film.
Je m’explique : dans une scène, les méchants arrivent en voiture pour canarder, et en sortent en trombe. Personne n’a pensé à mettre le frein à main, et la voiture, pendant la fusillade, avance de quelques centimètres, mais est rapidement reprise en main par un des méchants qui tirent pour l’arrêter. Tout ça dans le même plan. Plus tard, une autre voiture de méchant arrive en trombe, se gare en dérapant sur le bas côté, et un des méchants en sorte en ouvrant violemment la portière, dont le coin inférieur se plante dans le gazon du bas côté. Il la referme tant bien que mal. Allez savoir si c’est fait exprès, ou si le staff cascade n’est qu’une bande de guignols, ce qui m’étonnerait au vu de la qualité des nombreuses pirouettes motorisées, pyrotechniques et autres bastons chorégraphiées qui ponctuent le métrage). D’ailleurs la scène où le héros effectue son entrainement de manière « traditionnelle » est juste énorme : après avoir violemment et brutalement dézingué ses partenaires d’entrainement (plan séquence fabuleux où la caméra reste sur et suit une de ces pauvres victimes, qui tombe à terre après un coup, y reste un peu pour éviter les chutes de ses coéquipiers, croit échapper à Black Dynamite et se fait surprendre à chaque fois qu’il s’enfuit d’un côté du cadre où l’autre l’attend de pied ferme. Totalement surréaliste quand on imagine l’acteur passer à chaque fois dans le dos de la caméra…), Dynamite s’apprête à exploser une pile de briques, quand un coup de téléphone lui brise son élan (« Qui ose me déranger pendant mon entrainement ?! »), sa tante qui l’appelle pour lui annoncer la mort de son petit frère. De rage, il finira par démolir les briques devant lui pour conclure la scène, après avoir congédié ses training-partners (« On se voit demain »). Trop fort Black Dynamite.


Mais si Scott Sanders a bien étudié ses classiques blaxploitation, il manque quelque chose, et on sent que ce film n’est absolument pas d’époque. Trop parodique, Black Dynamite frise parfois le très mauvais goût et la blague gratuite et bien grasse, qui ne fait malheureusement pas toujours rire. La scène dans l’orphelinat avec des enfants de huit ans défoncés au crack semble être un moment de comédie, mais on rit jaune quand même. Quand on pense aux films de l’époque, le sens est complètement détourné. Lorsqu’on voyait un héros noir péter la gueule aux dealers dans les 70ies, ça avait réellement du sens, la drogue étant un véritable fléau social et politique dans les ghettos noirs-américains. Ici, on prend ce phénomène de manière comique en détournant totalement le sujet et sa gravité. De plus, lors du souvenir de Black Dynamite, vétéran du Vietnam traumatisé, le réalisateur nous pousse vers la rigolade, alors que cette guerre a marqué les Etats-Unis (surtout qu’il raconte des souvenirs horribles et vraiment incongrus pour appuyer la parodie). On sent que le cinéma a depuis longtemps exorcisé ce traumatisme, et qu’aujourd’hui pour certains, ce n’est plus qu’un souvenir kitsch qu’on réactualise quand on veut parler du passé. Ici ces souvenirs d’une époque révolue sont détournés et ridiculisés pour servir le propos d’une revisite parodique et humoristique du cinéma blaxploitation. Au niveau de la forme, Sanders a tout compris, mais le fond n’y est pas, tout est parodié de manière grotesque, et je me demande si un vétéran du Vietnam, un militant des Black Panthers ou un ancien toxicomane, seraient pliés en deux devant ce film (en même temps, il y a sûrement de l’autocritique, j’ai du le prendre au premier degré, comme beaucoup de films d’exploitation, et ça doit être un film sûrement plus subtil..). Et que dire de cette baston finale contre le méchant suprême, un sosie de Richard Nixon trop balaise en bagarre (James McManus expert en nunchaku)…
Trop parodique, on sent que ce film n’appartient pas à l’époque qu’il décrit malgré son emballage usé très 70ies. On rigole bien, mais ça donne envie de revoir les vrais classiques de la blaxploitation (Dolemite, Shaft, Foxy Brown, Superfly), sur lesquels sont méchamment pompés ce Black Dynamite. Un genre de cinéma à redécouvrir, au-delà de son aspect kitsch et funky.



http://www.blackdynamitemovie.com/
http://www.imdb.com/title/tt1190536/
http://www.blackdynamite.fr/
http://en.wikipedia.org/wiki/Black_Dynamite
http://www.critikat.com/Black-Dynamite.html
http://www.kotonteej.com/?p=2657
http://www.excessif.com/cinema/critique-black-dynamite-4709096-760.html
http://www.wegofunk.com/Black-Dynamite,-un-blaxploitation-made-in-2009_a2518.html
http://www.filmsactu.com/critique-cinema-black-dynamite-8221.htm
http://www.dugrainademoudre.net/FESTIVALS/2009/SOIREES/BLACK_DYNAMITE.html

quelques trailers de classiques blaxploitation :
http://www.youtube.com/watch?v=AmZjD2UWoso (Superfly de Gordon Parks Jr.)
http://www.youtube.com/watch?v=erD0pCe0S5Q (Foxy Brown de Jack Hill)
http://www.youtube.com/watch?v=eZETcd3qMT8 (Black Caesar de Larry Cohen)
http://www.youtube.com/watch?v=IkjExJqf34o (Dolemite de D’urville Martin)
http://www.youtube.com/watch?v=NiCB2isZcRM (Shaft de Gordon Parks)
http://www.youtube.com/watch?v=u0TYI5b-Lmo (The Car Wash de Michael Schultz)
http://www.youtube.com/watch?v=0rD1OzJVoWY (Sweet Sweetback's Baadasssss Song de Melvin Van Peebles)
http://www.youtube.com/watch?v=0kI5IeAJJBQ (Black Belt Jones de Robert Clouse)

sites spécialisés:
http://www.blaxploitation.com/
http://blaxploitationfilms.free.fr/
http://www.blaxploitation.fr/

Eddie, le 5 décembre 2009.

lundi 21 décembre 2009

Il Etait une fois la Révolution (Giù la Testa) de Sergio Leone (Italie/1971/153’’/35mm/Couleur/Scope/vastfr).



Deux films de Sergio Leone en deux jours, ça assèche la gorge et ça fait plisser des yeux, mais la traversée du désert vaut le détour.
Comme promis la dernière fois, cette fois-ci, Il Etait Une Fois la révolution, dont j’avais beaucoup entendu parler, mais jamais l’occasion de voir. La belle aubaine que ce mini-cycle Sergio Leone, merci au cinéma Grand Action, à la Cineteca Bologna, à Carlotta Films, qui nous permettent de savourer à nouveau des chefs d’œuvres classiques du cinéma mondial. Et question chef-d’œuvre, ce film en est véritablement un, magistral et épique.
Second volet d’une trilogie qui n’existe qu’en France pour des raisons de traductions de titres (la série Il Etait Une Fois…, alors que le titre original est Giu la Testa, littéralement « Baisse la tête », plusieurs fois réitéré dans le film avant chaque explosion : le fameux « Duck, you sucker ! », ou le titre anglais A Fistfull of Dynamite), Il Etait Une Fois La Révolution est une réflexion désabusée sur la révolution et le passage à l’ère moderne, à la fois héroïque et picaresque. Sergio Leone est définitivement un grand réalisateur, comme le prouve encore une fois ce film dense.
Je suis étonné de voir quelques pubs au début de la séance, mais bon, le film commence peu de temps après, sous les yeux d’une bonne vingtaine de spectateurs, et s’ouvre sur une longue citation de Mao Tse Tung sur la révolution, clin d’œil politique ?-pourtant ce film est loin de vanter les mérites du régime communiste, au contraire plein d’humanisme individualiste-(« La révolution n’est ni un dîner mondain, ni un évènement littéraire (…) Elle ne peut être conduite avec élégance, avec délicatesse, avec grâce et courtoisie (…) La révolution est un acte de violence. »), enchainé sur un gros plan d’une fourmilière du désert en détail, sur laquelle quelqu’un est en train d’uriner. Voici donc le héros de l’histoire, Juan, un péon illettré et naïf, assoiffé d’argent, et qui va perdre ses illusions suite à une rencontre explosive.

Résumé :
Mexique, 1913. Un pilleur de diligences, Juan Miranda (Rod Steiger), accompagné de ses enfants et son père, et un terroriste irlandais membre de l'IRA, spécialiste en explosifs, John Mallory (James Coburn) font connaissance. Juan a toujours rêvé de dévaliser la banque centrale de Mesa Verde et voit en John le complice idéal pour son braquage. Il tente de faire chanter John afin de le persuader de s’associer à l’affaire, et de manipulations en désinformations, ils se retrouvent tous deux plongés en plein cœur de la tourmente de la révolution mexicaine. La banque de Mesa Verde s’avère plus riche en prisonniers politiques qu’en lingots d’or, et très vite, les deux compères deviennent malgré eux les héros d’une guerre qui n’est pas la leur…


La séquence d’introduction qui présente Juan (énorme Rod Steiger, avec qui Leone semble avoir eu des conflits sur le tournage) est juste géniale. Un pauvre péon paumé, pieds nus au milieu du désert, personnage picaresque par excellence, qui monte dans une diligence lors d’un arrêt, après avoir été accepté par le cow-boy responsable de la sécurité, qui l’a d’abord suspicieusement reluqué de la tête aux pieds (plan marrant sur les pieds nus de Juan). Dans la diligence, un autre monde auquel il n’appartient absolument pas, à l’opposé de ce qu’il est. Des riches bourgeois et un curé qui le méprisent ouvertement, s’étonnent quand il parle, le traitent d’animal, le font asseoir dans un coin tellement il est sale, sous le visage impassible et hagard de Juan qui les écoute docilement, malgré l’humiliation. Cette scène de disparité sociale est étonnante par son montage, alternance violente de gros plans immondes et dégoutants de bouches qui mâchent goulument leur repas, d’yeux méprisants, qui contrastent avec le raffinement et le luxe de l’intérieur de la diligence, sous leurs paroles humiliantes et dédaigneuses, d’un racisme explicite, opposées au silence calme de Juan. A se demander qui sont les animaux, question que nous pose bien évidemment ouvertement le réalisateur, dans cette séquence critique des disparités engendrées par la hiérarchisation sociale et le colonialisme, par l’homme blanc considéré comme supérieur à l’indigène. Ce mépris bourgeois et colonisateur se prolonge lorsque la diligence qui peine à avancer sur une petite route cahoteuse alors qu’un groupe de jeunes péons flâne, allongés sur le bord de la route. Ils se font copieusement insulter et traiter de fainéants, mais ce qu’on attendait sans le savoir, finit bien évidemment par arriver. Ces jeunes mexicains sont là pour une bonne raison : braquer la diligence et leurs passagers. Juan reste calme (il ne possède rien et n’a donc rien à craindre), car ce sont ses enfants et son père, formant une meute-famille de pillards justiciers, qui tombent à point nommé après cette situation de mépris et de dédain qu’a subi le chef de famille. Justice est faite (j’attendais que ça), et les passagers finissent à poil, jetés d’une carriole en plein désert, après s’être faits dépouiller (et abuser sexuellement pour la femme). Le premier personnage principal est présenté, ok.
Arrive alors le second héros, sur une moto à l’ancienne genre Indiana Jones, complètement masqué. Il passe à côté du groupe de pillards sans les calculer, ce qui n’est pas du gout de Juan, qui tire dans le pneu arrière de la moto pour l’arrêter. Le pilote s’arrête, regarde sa roue, enlève son foulard et ses lunettes, et on découvre un James Coburn nonchalant, qui s’avance tranquillement vers la diligence, demande du feu à Juan et lui prend sa clope de la bouche sans lui demander pour allumer toujours aussi calmement un petit bâton de dynamite qu’il balance à l’intérieur de la caravane, en leur conseillant de baisser la tête (« Duck, you sucker »). Il revient vers sa moto, se fait interpeler par Juan qui le menace, mais il reste calme et ouvre son blouson, qui recèle tout un arsenal exhaustif d’explosifs en tous genres. « Si tu me tires dessus, il faudra modifier les cartes, car toute la région sera pulvérisée et toi avec » lui dit-il. Pour illustrer ses propos, il sort une fiole de nitroglycérine et en verse une goutte au sol, ce qui provoque une monstrueuse explosion (les artificiers de ce film ont dû se faire plaisir, on pense aussi notamment à la scène du pont qui fait écho à celle de la bataille du Bon, la Brute et le Truand). Juan est subjugué et sa vision subjective opportuniste nous est suggérée par ce plan moyen de Coburn avec un titre incrusté au-dessus de lui : « Banque Centrale de Mesa Verde ».
Voici donc Sean Mallory (Juan comprend John, et l’autre le laisse dire, préférant occulter ses origines irlandaises), ex-terroriste de l’IRA (anachronie dans le film) qui a fuit l’Irlande pour les grands espaces mexicains. Les deux personnages sont là, et semblent directement issus de la tradition des romans picaresques (genre littéraire décrivant le récit de héros miséreux en marge de la société, issus de basse classe sociale et de leurs aventures extraordinaires et pittoresques). Des misérables futés qui deviennent des héros malgré eux, pris dans des évènements qu’ils ne maitrisent pas (géniale scène de la prison où les plans de libération de prisonniers politiques se répètent jusqu’à constituer une véritable armée de péons qui suivent Juan et sa famille surpris et dégouté qu’il n’y ait pas d’argent).
Mais si l’humour et la distance critique sont fortement présents, les sujets abordés sont grave (le flashback traumatique de Sean/John nous en apprend plus à la fin sur lui et ses motivations, et Leone, tout comme ses personnages, porte un regard désabusé et cynique sur le phénomène de révolution et celui de changement d’une époque, le passage d’une société naissante individualiste et un peu chaotique (le far west), à une modernité industrialisée qui écrase l’homme. Très sceptique face aux idéologies et surtout face à la révolution, Leone prend le contre point du western Zapata, sous-genre de westerns italiens à la vision un peu gauchiste, en critiquant ce phénomène et en montrant qu’il n’y a rien d’héroïque là-dedans. La révolution n’est pas montré sous un jour positif, elle est démythifiée, la mort est omniprésente (ces plans en grue sur les fosses remplies d’exécutés ou les longs travellings sur les cadavres), seule la survie compte, et lorsque les héros meurent, c’est loin d’être héroïquement embelli.


Leone ne croit pas en ces systèmes politiques utopiques et magnifiés (la révolution est selon Juan, une magouille pour que les élites éclairées manipulent le peuple), mais croit en l’humain, en ses émotions, ses réactions primaires et primordiales. L’homme a une place centrale dans ses films, qui le détaillent, le scrutent sous tous les angles.
Et puis côté spectacle, le cinéaste envoie du lourd. Notons la scène du pont et de son explosion, qui part en envolée lyrique après un canardage sonore de mitrailleuse lourde en bonne et due forme, et surtout la séquence finale, grandiose et magnifique. Sean se prend une balle par mégarde (« Et merde ! ») et tombe sous les yeux de son ami Juan à qui il dit de continuer le combat (ou de se barrer je sais plus). Il lui demande juste du feu, et son suicide me semble être l’explosion la plus impressionnante du film. Juan, face caméra, nous regarde droit dans les yeux, désespéré. Et le film finit sur cette image. Whah…
Sergio Leone est définitivement un immense cinéaste, dont les quelques chefs-d’œuvre sont à voir et à revoir.



http://www.imdb.fr/title/tt0067140/combined
http://fr.wikipedia.org/wiki/Il_%C3%A9tait_une_fois_la_r%C3%A9volution
http://www.allocine.fr/film/anecdote_gen_cfilm=929.html
http://lantredesseditieux.free.fr/spip.php?article127
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article6677
http://www.plan-neuf.com/?p=415
http://www.critikat.com/Il-etait-une-fois-la-Revolution.html
http://www.tvclassik.com/notule2.php?id_film=463
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/leone/iletaitunefoislarevolution.htm
http://www.telerama.fr/cinema/films/il-etait-une-fois-la-revolution,4976.php
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/il-etait-une-fois-la-revolution-1/
Eddie, le 7 décembre 2009.

dimanche 20 décembre 2009

Taxi Driver de Martin Scorsese (USA/1976/115’’/35mm/1:85/Couleur/Vostfr).



Après plusieurs mois d’absence, retour à L’Ecran à St Denis, cinéma de quartier qui propose comme à son habitude des séances intéressantes. On a pu admirer quatre films de Johnnie To en juin lors d’un weekend d’analyse filmique, cette fois-ci c’est Scorsese qui est à l’honneur, avec trois œuvres de ces débuts (Taxi Driver 1976, Mean Streets 1973 et Who’s That Knocking At My Door ? 1967), incontournables pour mieux comprendre son cinéma. La journée est présentée et animée par Laurent Aknin, historien de cinéma et auteur des livres « Analyse de l'image : cinéma et littérature » et « Cinéma bis : 50 ans de cinéma de quartier », qui nous montrera en premier Taxi Driver, après une introduction au cinéma de Scorsese, devant une salle 2 bien remplie (plus d’une trentaine de spectateurs). N’ayant pu voir que ce film aujourd’hui, je ne parlerai donc que de celui-là, en vous invitant vivement à voir ou à revoir les autres.
Film emblématique d’une époque et d’un duo mythique (Scorsese/De Niro), Taxi Driver est la description de l’Amérique (New York en particulier) des 70ies, un monde en perdition, où les rues grouillent d’une « faune » de dealers, putes, macs, pushers, drogués et autres déchets d’une société malade et décadente, et où le héros est un mec totalement seul et paumé, témoin et victime d’une misère humaine et sociale, et dont il semble à la fois exclu, absent d’une société dont il est en même temps un pur produit.

Résumé :
Travis Bickle (Robert De Niro), un jeune homme du Middle West a récemment été démobilisé des marines. Il en ressort une personnalité déséquilibrée et un individu refoulé, en marge de la société. Souffrant d'insomnie, il décide de prendre un travail de chauffeur de taxi à New York et se porte volontaire pour un travail de nuit. Il passe son temps libre à regarder des films pornographiques dans des cinémas sordides, et à rouler sans but dans son taxi.
Bickle est horrifié par la décadence morale qu'il pense voir autour de lui, et quand Iris (toute jeune Jodie Foster), une prostituée de douze ans et demi, monte une nuit dans son taxi pour tenter d’échapper à son mac (Harvey Keitel), il devient obsédé par l'idée de la sauver, malgré le total désintérêt de la jeune fille.
Bickle est obsédé aussi par Betsy (interprétée par Cybill Shepherd), une assistante du sénateur de New York. Au bout de quelques rencontres et après quelques cadeaux, elle accepte un rendez-vous dans un cinéma miteux où, contre son plein gré, elle va voir un film pornographique. Au bout de dix secondes de film, elle quitte la salle, dégoûtée. Travis, après s’être procuré toute une panoplie d’armes à feu, décide d'assassiner le sénateur. Il échoue et s'en prend au proxénète d'Iris. Il le tue, mais est lui-même grièvement blessé dans l'assaut. Il devient un héros de fait-divers pour la presse et les parents d’Iris, et il reprend sa vie normale comme si de rien n’était.

On retrouve les thèmes chers au cinéaste, la quête de rédemption (sauver une prostituée mineure en tuant les responsables de sa situation), une vision pessimiste et sombre des Etats-Unis malgré son amour pour ce pays, la dualité entre sexualité sordide et pureté des sentiments amoureux (la manière dont il voit Betsy pour la première fois, « blanche et pure », tel un ange dans cet enfer urbain), une vision si typique d’une ville mythique et animée, New-York, en particulier de nuit, un héros instable en marge de la société, solitaire et torturé (immense De Niro indissociable de l’œuvre de Scorsese, instable et névrosé). C’est d’ailleurs une des premières fois (après Les Visiteurs d’Elia Kazan), que la guerre du Vietnam est évoquée dans le cinéma américain, à travers ce personnage de vétéran mal dans sa peau qui n’arrive pas à retrouver sa place dans la société, errant dans les bas-fonds sordides de New York. De Niro dévore littéralement l’écran, avec son visage impassible et ses yeux fous et tristes. On ne peut plus oublier cette scène mythique, devenue incontournable dans la culture populaire moderne. Lors de ces longs moments où il scotche chez lui, une fois qu’il a acheté ses armes, il s’entraine devant son miroir à dégainer en se mettant en situation (le bien connu « You talking to me ? »). Dans les seconds rôles pittoresque, notons aussi Harvey Keitel, génial en proxénète embobineur, cheveux longs de hippie avec bandeau, chaussures à talon expansés, et ongle de l’auriculaire long et verni de sniffer de coke (la scène de dialogue entre De Niro et Keitel est excellente).


La fin arrive comme un couperet, séquence expéditive à la violence sèche et brutale, à la limite du gore (une main qui saute, des trous dans la tête et beaucoup de sang sur le sol et les murs). Une scène de violence sans complaisance qui vient exploser à la fin d’un film lent et chargé de pression. Malgré la violence de son acte (digne d’un « cow-boy » comme l’appelle Keitel, et représentatif d’une société où la justice est appliquée de façon individuelle), il deviendra un héros, encensé par la presse et l’opinion publique. De Niro incarne un personnage limite fasciste, sur lequel la guerre a fait des ravages, et dont le discours radical est sans concession aucune (la rencontre avec le sénateur dans son taxi et leur discussion est particulièrement significative).
Scorsese, à travers son personnage autodestructeur et ravagé, pose des questions dérangeantes, surtout pour l’époque. Dans une société dépravée et hypocrite, comment un facho psychopathe, asocial et paumé devient un héros ? Ce film étrange, qui met vraiment mal à l’aise du début à la fin (sentiment conforté par la musique de Bernard Herrmann, à qui est dédié le film), est particulièrement révélateur du malaise social de l’Amérique des 70ies, et laisse perplexe quant au message du cinéaste et la vision qu’il a de son personnage principal, qui semble avoir aucun issue, aucun espoir, aucun avenir, et se contente de survivre moralement. Son nihilisme et sa folie justicière sont pourtant fascinants et donnent au film cette saveur si particulière (je pense à la fin de la scène de flingage, lorsque la police arrive, et que Travis, blessé et mal en point, les regarde en souriant et se braque la tempe avec son doigt. Cet acte autodestructeur semble l'avoir fait "renaitre").
Taxi Driver est vraiment un grand film, fondateur de l’œuvre d’un immense cinéaste, à voir et à revoir.



http://www.imdb.fr/title/tt0075314/

http://scorsese.free.fr/taxi.html%20
http://fr.wikipedia.org/wiki/Taxi_Driver
http://en.wikipedia.org/wiki/Taxi_Driver
http://www.dvdclassik.com/Critiques/dvd_taxidriver.htm
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/scorsese/taxidriver.htm
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=308.html
http://www.arkepix.com/kinok/CRITIQUES/SCORSESE_Martin/critique_taxi_driver.html
http://olivier.quenechdu.free.fr/spip/spip.php?article3562
https://www.msu.edu/user/svoboda1/taxi_driver/
http://www.filmfestamiens.org/?TAXI-DRIVER
http://shauni81.skyrock.com/2622752070-Taxi-Driver-Martin-Scorsese.html

Eddie, le 12 déc. 2009.

mardi 15 décembre 2009

...Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più) de Sergio Leone (Italie-Espagne-RFA/1965/132’’/35mm/Scope/Couleur/vostfr).



Et c'est reparti pour un classique du cinéma, cette fois-ci du western, plus précisément le western spaghetti, un monument cinématographique de Sergio Leone, le fameux ...Et pour quelques dollars de plus. Le cinéma Grand Action le présente en copie neuve intégrale restaurée (en salle 2 devant une bonne vingtaine de personnes), ainsi que Le Bon, La Brute et Le Truand, et surtout Il Etait une fois la Révolution que je compte aussi aller voir bientôt (à suivre), ressortis depuis fin octobre 2009.
Et quel plaisir de revoir ce grand chef-d’œuvre (mais si), second western de Leone et second volet de sa grandiose trilogie du dollar.
Comme son nom l’indique, le réalisateur revient gratter quelques poignées de dollars, après les problèmes judiciaires qu’il a rencontrés sur son premier western (totalement pompé sur Yojimbo de Kurosawa, il a dû payer des indemnités à la Toho suite à un procès), pour livrer un autre western commercial, mais avec de véritables intentions de mise en scène, dans sa forme et dans son fond (et accessoirement les mêmes ingrédients, dont Clint Eastwood et son fameux poncho troué dans le 1er film et retourné dans le second). Voila du grand cinéma de genre, à la fois populaire et plein de pistes de lecture.
Le film s’ouvre sur un long plan d’ensemble fixe, dans lequel évolue de très loin un cow-boy solitaire comme un point dans l’immensité du paysage, pendant une phrase sentencieuse et implacable (« Là où la vie n'avait pas de valeur, la mort, parfois, avait son prix. C'est ainsi que les chasseurs de primes firent leur apparition »), et paf un coup de feu hors-champ fait s’écrouler cet homme qui ne restera que silhouette dans ce film. Fondu au rouge, titre et générique sur la musique magistrale d’Ennio Morricone.

Résumé :
Deux chasseurs de primes aux méthodes très différentes, le colonel Mortimer (Lee Van Cleef), un ancien combattant de l'armée confédérée équipé d'un véritable arsenal, et Monco "le Manchot" (Clint Eastwood), un étranger vêtu d'un poncho, sillonnent le Nouveau-Mexique et le Texas après la guerre de Sécession, et exécutent leurs contrats avec violence et efficacité. Les deux hommes vont s'associer, afin d'éliminer El Indio (Gian Maria Volonte) et ses hommes, des bandits mexicains qui s'apprêtent à braquer la banque d'El Paso. Si les deux chasseurs de prime s’entendent pour le neutraliser, leurs motivations divergent, et Mortimer ne fait pas ça pour l’argent, mais pour venger sa sœur violée par El Indio.


Point de vue scénario, on la connait par cœur. Mais déjà, les archétypes sont incarnés par trois acteurs énormes qui dévorent l’écran avec leurs visages suintants et grimaçants et leurs yeux de braise (Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Gian Maria Volonté), entourés d’une constellation de seconds rôles étonnants de réalisme, telle une cour des miracles en plein cagnard (on note la présence du redondant Klaus Kinski dans un rôle de second couteau, bossu et au faciès marqué, ou encore le vieux prophète vivant au bord de la voie de chemin de fer, incarné par Joseph Egger, habitué des films de Leone) qui évolue dans des décors désertiques et abandonnés typique du western à l’italienne. Mais cette fois-ci, Leone, tout en restant très critique, est moins drôle que dans le film d’avant, et son univers semble encore plus fataliste et désespéré, notamment avec l’apparition dans son œuvre de ses fameux flashbacks traumatiques (et bien souvent psychédéliques, comme le montrent ce ralenti et cette musique lancinants, qui se reconstitue progressivement au long du film. On pense surtout à ceux d’Il Etait une fois dans l’Ouest et Giù la Testa). Les trois personnages principaux ont chacun une introduction développée au début du film, qui nous présente leurs motivations (en apparence en tout cas), leurs méthodes, et surtout très vite leur limite. Pas de manichéisme ici, personne n’est gentil, et surtout pas les deux chasseurs de prime, véritables charognards avides d’argent, et donc de bandits à zigouiller. Les deux chasseurs de prime ont des méthodes très différentes (arsenal minutieux et propre d’armes à feu de tous calibres et une précision meurtrière pour le colonel Mortimer, minutieux de surcroit comme le montre la géniale scène des pas comptés autour de la banque que tout le monde surveille, alors que l’Homme Sans Nom se caractérise par un calme à toute épreuve et un mutisme enrageant qui font perdre patience au plus endurci des pistoleros. En plus de ça, sa main droite est toujours planquée sous son poncho, et il ne s’en sert qu’au dernier moment, l’instant où son ennemi dégaine et se fait refroidir par Eastwood plus rapide que l’éclair et muet comme une tombe, avec son petit cigare que Leone lui a forcé à reprendre pour ce rôle, malgré la réticence d’Eastwood), qui font l’objet de scènes consacrées à nos deux héros, qui semblent pas si sympas que ça. Heureusement, le troisième protagoniste arrive vite, un pourri de la pire espèce qui n’hésite pas à tuer femmes et enfants, El Indio (excellent Gian Maria Volonte, troublant et instable), qui est tellement méchant, qu’on préfère quand même s’identifier aux 2 premiers qui finalement, au vu du type qu’ils poursuivent, ne sont pas si négatifs que ça. On comprend la rudesse du chasseur de prime quand on voit son gibier. Bon et puis là, il faut dire que le méchant est particulièrement gratiné, avec une tronche de dément pas possible qui traine un lourd passé derrière lui qui le hante sans cesse, tellement qu’il est obligé de se défoncer à la marijuana sous ce soleil de plomb, en écoutant régulièrement le son de cette fameuse montre, objet récurrent qui lui sert à rythmer la fin de ses ennemis (« Quand la musique s’arrête, tu ramasses le pistolet et tu tires. Essaie. », lors de la scène dans l’église abandonnée et du duel final contre Mortimer). Mais le colonel Mortimer a la même de montre, et on comprendra plus tard ce qui les « unit ». Et c’est dans ce film qu’apparait un des effets de style caractéristiques de l’œuvre de Leone, le flashback, qui arrive progressivement par intermittence, onirique et presque psychédélique dans cette ambiance d’aridité. Les images arrivent au ralenti, par morceaux choisis qui sont dévoilés au fur et à mesure de l’intrigue, jusqu’au duel final. Comme à son habitude, El Indio propose à Mortimer d’attendre la fin de la musique de sa montre (ironie du destin puisque c’est celle du colonel offerte à sa sœur qu’il doit venger). On attend anxieux, la musique commence à s’éteindre, la mort arrive. Mais soudain, à la surprise des deux duellistes, la musique de la montre reprend pour laisser un répit à Mortimer. Monco arrive avec l’autre montre, celle de Mortimer, et vient littéralement arbitrer ce duel intense. C’est à ce moment qu’on comprend les motivations de Mortimer, ce qui le pousse à la vengeance (on voit enfin la suite et fin du flashback, qui vient nous apporter les explications qu’on commençait à pressentir).


Mortimer n’agit pas par appât du gain, mais bien plutôt par vengeance, et là, on se marre moins que dans le premier, parce que ce n’est plus vraiment le même ton. Et c’est ça qui est fort avec Sergio Leone : à la bourré d’humour noir et critique qui nous permet de s’attacher aux personnages, et des grands élans dramatiques qui nous happent totalement dans la tension et l’action, ses films sont constitués de moments forts, épiques et héroïques ponctués de touches d’humour plus ou moins subtil qui ne brisent pas le rythme de l’histoire. De plus, on sait à chaque fois ce qu’il va se passer, on l’attend avidement en trépignant sur son fauteuil, et quand ça arrive, on est toujours surpris et presque étonné avec un plaisir sans cesse renouvelé (l’intro de Monco, où il s’immisce dans un partie de cartes pour emmerder le méchant, le faire craquer pour qu’il fasse le premier pas, dégainer son arme, afin de le refroidir en toute légitimité, ou l’incontournable duel final dont on attend l’apothéose durant tout le film). Leone sait user des codes du genre sans les épuiser, et maitrise parfaitement tout ce jeu d’attente et de suspense qui nous fait mijoter et bouillir. Et pour l’humour, notons une scène vraiment marrante, qui fonctionne sur les mêmes principes de suspense. Les deux chasseurs de prime vont enfin se confronter (pour le bonheur du spectateur qui l’espérait impatiemment), et cette situation est lourde et chargée de pression. Monco envoie un chinois ranger les affaires de Mortimer pour qu’il quitte la ville, celui-ci ne comprend pas et le suit, face à face avec le chinois interposé qui ne sait pas qui écouter entre ranger les affaires et les charger et finit par s’enfuir. Les deux se regardent plantés à quelques centimètres l’un de l’autre, Monco écrase la chaussure de Mortimer impassible, qui lui rend la pareille. Monco se fait écraser la chaussure à son tour, ce qui lui plait moyennement et il envoie un méchant coup de poing dans la tronche de Mortimer qui perd son chapeau. Il reste impassible en se relevant, et quand Monco tire dans son chapeau à chaque fois que Mortimer tente de le ramasser. Il finit par le récupérer car Monco n’a plus de balles, et alors qu’il est plus loin, il lui fait la même chose, à savoir tirer plusieurs coups dans le chapeau pour le faire voler. Ils finissent par se regarder et par se marrer allègrement. Scène d’anthologie, et tout ça, sous les yeux de quelques gamins hallucinés. (Notons un petit décrochement de pellicule pendant la séance, qui s’arrête quelques courtes minutes pour reprendre très vite, à ce moment là du film je crois.)


Sergio Leone est vraiment balaise et ce film en est une preuve.
...Et pour quelques dollars de plus est une œuvre de référence incontestable du western spaghetti, et un immense film de genre d’un auteur trop mal considéré.
C’est décidé, je vais voir demain Giu la Testa, qu’ils jouent aussi au Grand Action. A suivre.

http://french.imdb.com/title/tt0059578/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Et_pour_quelques_dollars_de_plus
http://www.youtube.com/watch?v=mLXQltR7vUQ
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article6688
http://www.dvdclassik.com/Critiques/et-pour-quelques-dollars-de-plus-dvd.htm
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/leone/etpourquellquesdollarsdeplus.htm
http://roroblog72.canalblog.com/archives/2009/11/01/15640309.html
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/et-pour-quelques-dollars-de-plus-66251
http://www.kinopitheque.net/et-pour-quelques-dollars-de-plus-per-qualche-dollaro-in-piu/
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/et-pour-quelques-dollars-de-plus-1/
Eddie, le 6 déc. 2009.

Lascars-Le Film de Albert Pereira-Lazaro et Emmanuel Klotz (France-Allemagne/2009/96’’/35mm/Couleur/VF).



Pas de vacances pour les vrais gars ! Moi qui reste sur paris cet été, une accroche de film comme ça, ça me parle.
Après un film kazakh, retour dans la même salle du même cinéma à 19h50, pour un univers plus proche et plus quotidien. Pour finir en beauté le dernier jour de la fête du cinéma, je me fais un programme de deux films d’animation (certes différents). Je me paye même le luxe de manger du pop-corn. Et retour dans la salle 4 à 19h50. Mais alors que ce matin celle-ci était quasi vide, la voila bien remplie de gens bruyants et mal élevés (environ une soixante de spectateurs). Et puis toujours les mêmes pubs, le même matraquage pour le public d’habitués. Je constate cependant que les salles de cinéma se remplissent grâce aux films commerciaux et accessibles, et que tout le monde va voir les mêmes choses. Les bandes annonces sont plus ciblées jeune public (Le Petit Nicolas, Là-Haut, le dernier Harry Potter, etc) et on sent que la rentrée est bien préparée. Mais en attendant c’est l’été, et Lascars est bel et bien un film estival.
Résumé :
L'été sera chaud pour les lascars. Condé-sur-Ginette, en périphérie d’une grande ville, à mille lieux du sable chaud, des cocotiers et du bleu océan des Caraïbes. C’est l’été. Le soleil brûle le chrome des mobylettes, réchauffe le bitume des tours, asphyxie les halls d’immeubles et crame les esprits. Ici, tout le monde rêve des plages de Santo Rico. Certains plus que d’autres. Pour Tony Merguez et José Frelate, deux gars du quartier, le départ est imminent. Mais l’agence de voyage responsable de leur billet a zappé le nom de la destination. Retour à la case Ginette !
Pour refaire surface, Tony se mue en Montana façon Scarface et tente de refourguer un peu d’herbe fraîche "gentiment" prêtée par Zoran, brute épaisse et caïd de la cité. José de son côté joue les Don Juan dans une grosse villa, occupée par Momo l’incruste et la belle Clémence. Tout aurait pu rouler, si une maîtresse en furie (et policière accessoirement), des réalisateurs (porno) plutôt amateurs, un sauna norvégien, des flics énervés ou encore un juge coriace, n’en avaient décidé autrement…

Lascars est une série courte d’animation crée par El Diablo (issu de la BD et du graffiti) et diffusée sur Canal+ en prime-time tout le long de l'été 2000 (sortie le 21 juillet 1998 selon imdb). Longtemps une série fantôme que peu de gens avaient vu, mais que tout le monde connaissait, puis enfin devenue partie intégrante de la culture populaire française contemporaine, grâce à internet et sa diffusion massive et gratuite, le film Lascars est un véritable aboutissement de presque une dizaine d’années. Univers hip hop dépeint avec finesse, pertinence et humour, cette série de 30 épisodes d’une minute, aux situations quotidiennes bien connues et aux clichés du jeune de la rue, est cependant fort de son second degré et de son potentiel comique et critique indéniable. Les stéréotypes sont malmenés, l’inconscient collectif du lascar est fouillé avec force détails et humour (Baston de regards, T’as pas une cigarette ?, Boxe Thaï, etc..), ponctué par des voix bien connues de guest-stars du paysage hip hop français. La série Lascars fait un gros buzz par le biais du web, créant un univers à part entière, malgré le peu d’épisodes, et une deuxième saison de trente autres épisodes est lancée en 2007, puis le long métrage aujourd’hui.
On peut dire que le pari de garder le même esprit et la même énergie malgré une équipe différente est réussi, et le film s’inscrit parfaitement dans l’univers si caractéristique de Lascars. En gros, une série de sketches qui s’enchainent pendant 1h30 à un rythme endiablé, comme un long épisode bien développé. Les vannes acerbes et éloquentes, les voix bien connues de rappeurs ou d’artistes du hip hop (Omar et Fred, Vincent Cassel, Diam’s, etc), l’ambiance ghetto, et même les 2 héros, Tony Merguez et José Frelate (qui sont au centre du pilote original de la série 1), tout y est.
Notons, lors du générique, sur fond de rap américain signé Lucien Papalu et De La Soul (2), une petite dédicace à notre Sarko national (« Casse-toi pov’ con doesn’t meant cup of tea, it’s our french president express his sympathy »), pertinente et bien pensée, totalement dans l’esprit critique des Lascars. On se marre bien du début à la fin, Lascars est définitivement un film léger et sympathique à voir, surtout en cette période.


http://www.lascars-lefilm.com/
http://www.eldiablo.raoulsinier.com/
http://www.imdb.com/title/tt1043852/
http://www.premiere.fr/film/Lascars
http://www.cinefil.com/film/lascars-2
http://www.youtube.com/watch?v=r9mxBSSYmk4&feature=related (1)
http://www.youtube.com/watch?v=6iactBiuN68&feature=related(2)
http://www.semainedelacritique.com/sites/article.php3?id_article=399
http://unesemaine-unchapitre.com/index.php?post/Les-lascars-sont-nos-amis
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lascars_%28s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e%29
http://www.brain-magazine.com/index.php?option=com_content&view=article&id=2700:el-diablo-&catid=17&Itemid=6 (interview d’El Diablo)

Eddie, le 3 juillet 2009.

Coraline de Henry Selick (USA/2009/96’’/Red/1 :85/Animation/Couleur/D-Cinema (3D)/vostfr).



Après Lascars, j’enchaine avec Coraline au MK2 Quai de Loire (j’ai juste à traverser le canal), pour une soirée film d’animation (aux procédés cependant bien différents) à 22h10.
Cette séance est heureusement en version originale, mais en plus, j’apprends en prenant mon billet que le film sera projeté en 3D (avec un supplément de 2 euros pour les lunettes). Je voulais le voir comme ça, et c’est la seconde fois que j’ai l’occasion d’admirer un film en 3D. L’Etrange Noël de Mr Jack dans cette configuration m’avait un peu déçu, mais comme il n’a pas été fait pour les techniques 3D, et que celui-ci est tout récent, je pense qu’il sera mieux adapté à la 3D. Et effectivement, dès les premières images du générique génial (une poupée que l’on défait et que l’on recoud pour en faire une effigie de Coraline, et l’on voit l’aiguille en 3D s’enfoncer dans le trou d’un bouton en gros plan), on sent que ce film est mieux pensé pour la 3D. J’ai pris heureusement ma place bien en avance, et je peux rentrer parmi les premiers spectateurs, et me placer de manière optimale (bien au centre de la salle, ni trop près, ni trop loin) après avoir récupéré les lunettes 3D (du nom de « Volt ») à l’entrée. La salle 3 du MK2 Quai de Loire est quasi remplie quand le film débute, et en attendant qu’il commence, même rituel que d’habitude : les gens se prennent en photo pour immortaliser leurs tronches singulières et tellement marrantes avec les lunettes.
Résumé :
Coraline Jones est une petite fille intrépide et à la curiosité sans limite qui vient tout juste d'emménager avec ses parents dans une grande mais triste maison. Elle y fait la rencontre de nouveaux voisins décalés, d'un étrange garçon ainsi que d'un mystérieux chat noir.
Jouant les exploratrices, elle découvre l'existence d'une porte conduisant à un monde parallèle représentant sa nouvelle vie mais dans une version cependant nettement plus belle et divertissante où elle y trouve des doublures de ses propre parents et voisins ayant pour yeux de gros boutons noirs. Là-bas, ses "Autres Parents" sont disponibles à plein temps, ses "Autres Voisins" font toujours la fête, la nourriture y est tout le temps délicieuse et les loisirs y sont infinis.
Cependant, elle ignore que toutes ces merveilles vont rapidement prendre une tournure assez inattendue...

Le réalisateur de ce film est le même que pour L’Etrange Noël, Henry Selick, et l’univers des deux films est très proche, même si Coraline est moins sombre et baroque, moins burtonnien en somme que leur conte de noël décalé et gothique.
Cependant, ce film reste bien noir et ne semble pas être un dessin animé destiné aux enfants. La thématique et le sujet sont très clairs : c’est la dualité entre un monde réel morne, inintéressant et un peu triste, où personne n’écoute Coraline et un faux monde où tout est beau et parfait et où ses désirs deviennent réalité, mais en échange d’un bien précieux : les yeux qui deviendront des boutons. Un monde imaginaire qui s’immisce dans sa réalité ennuyeuse, où elle deviendrait une poupée pour être heureuse. Coraline (et par extension les enfants) doit choisir entre ces deux mondes, et devra se contenter de la réalité, qu’elle fuyait au début, moins colorée et enchanteresse. Le monde imaginaire n’est pas un bien ni un refuge, comme le suggère Selick, et cache souvent des choses pires encore : une sorcière-araignée qui se nourrit de l’imaginaire des enfants et leur prend leurs yeux, et ces fantômes d’enfants qui ont perdu leurs yeux pour des boutons et le monde trompeur des rêves. Les couleurs, les univers oniriques et biscornus, les personnages décalés et hauts en couleurs (le petit garçon bizarre qui travaille sur des cadavres, le gros bonhomme russe, maitre de cirque et d’une troupe de souris, les deux vieilles, anciennes stars du music-hall, le chat noir et pelé, seul capable de faire le lien entre les deux mondes et qui connait les enjeux de ceux-ci), chaque image de ce film est un spectacle visuel enchanteur qui ravira les grands et fera bien peur aux petits (c’est aussi un bon film pour les enfants, qui change des contes niais et chargés de symboles inconscients et dangereux à la Walt Disney. Au moins, ici le message est clair : « Ne fuyez pas à la réalité à n’importe quel prix, même si le monde de l’imagination a une forte attraction, il cache souvent bien pire »). Un beau conte pour grands enfants dérangeant, leçon de vie cruelle sur le pouvoir des rêves et leur danger. En tout cas, c’était sympa à voir, mais alors qu’est-ce que ça fait mal aux yeux leur 3D. Je ne m’en étais pas rendu compte la première fois (voir L’Etrange Noel de Mr Jack projeté en 3D à L’Ecran), mais là quand je sors, mes yeux (tiens, c’est de circonstance) ont pris trop cher et piquent un peu.
Les remplacer par des boutons ?..


http://www.coraline.com/
http://french.imdb.com/title/tt0327597/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Coraline
http://fr.wikipedia.org/wiki/Coraline_%28film%29
http://www.telerama.fr/cinema/coraline,43952.php
http://www.commeaucinema.com/film/coraline,99322
http://www.toujoursraison.com/2009/06/coraline.html
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=109125.html
Eddie, le 3 juillet 2009.

L’étrange Noël de Mr jack (The Nightmare Before Christmas) de Henry Selick(USA/1993/76’’/35mm/3D/Couleur/Vostfr).



Dans le cadre de Dimension 3, le Festival 3D Relief en Seine Saint Denis du 2 au 15 juin 2009, le cinéma l’Ecran présentait L’Etrange Noel de Mr Jack en 3D, et surtout en entrée libre, dans leur grande salle de 300 places. La séance commence à 20h, mais on arrive avant avec Manu, histoire d’être sûr d’avoir des places. Et effectivement, on a bien fait, une interminable file d’attente encombre la Place du Caquet, devant le cinéma. Il y a beaucoup de monde ce soir, en majorité des enfants venus profiter du spectacle de la troisième dimension.
Par curiosité, je monte voir en cabine le projecteur 3D. Le projectionniste m’explique que c’est un projecteur numérique, comme pour le 2K, mais actuellement réglé pour la 3D. Ce projecteur est branché à un serveur numérique, comme une unité centrale d’ordinateur ou un gros disque dur, avec les films contenus dedans, et leurs réglages. Il y a aussi un capteur/émetteur qui envoie des signaux aux lunettes afin qu’elles opèrent la 3D (d’ailleurs si on met le doigt dessus, ça ne marche plus). Des lunettes sont donc distribuées à l’entrée de la salle, et très vite tout le monde ressemble à Cyclope des X Men (surtout les gamins qui ont des petites têtes avec des lunettes trop grandes), et un nombre impressionnant de portables et d’appareils photos sont sortis pour immortaliser toutes ces tronches pas possibles. La salle met du temps à se remplir (+ de 260 personnes environ) dans le chahut et les cris d’enfants, et le film commence sans doute avec un peu de retard, après une brève présentation de Boris Spire, directeur de l’Ecran et les techniciens 3D qui nous expliquent le fonctionnement des lunettes et du principe de 3 dimensions (en plus d’une séquence animée d’explication du principe avec une boule à lunettes qui parle et qui tire la langue qui ressort en 3D et s’approche de nos yeux au moment du test de bon fonctionnement: la plupart des gamins se sont mis à hurler de peur et d’euphorie).
Dans le bruit des cris d’enfants et des papiers bonbons, L’Etrange Noel de Mr Jack (d’après une histoire de Tim Burton) commence et ça fait bizarre de le voir en 3D, même si on le connait par cœur. C’est un film assez sombre dans les tons et les couleurs, mais les lunettes 3D font perdre encore de la luminosité (quand on les enlève, l’écran est fortement éclairé), et certains passages sont vraiment trop sombres et moins lisibles. Tout au long du film, les moments forts ou rigolos sont ponctués de cris et de rires d’enfants, dont certains font un beau boucan durant la séance (rappelés gentiment par un adulte qui leur hurle de se la fermer…).
Bon c’était marrant de revoir ce film d’animation, et cette fois en 3D (une première pour moi), mais je suis un peu déçu et reste sur ma faim.
La 3D est impressionnante mais on sent que ce film n’a pas été fait ni pensé pour ce procédé. Ça me donne donc envie d’aller voir Coraline du même Henry Selick (à qui l'on doit aussi James et la Pêche Géante), plus récent et d’après ce que j’ai compris, plus adapté à la 3D. A suivre.



http://www.etrange-noel.net/
http://www.imdb.com/title/tt0107688/
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=27633.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Étrange_Noël_de_Monsieur_Jack
http://tribaal.online.fr/Nightmare_before_christmas.htm
http://www.abc-lefrance.com/fiches/EtrangeNoeldeMJack.pdf
http://www.filmdeculte.com/culte/film-culte/Etrange-Noel-de-Mr-Jack-L-5421.html
(Eddie, le 12 juin 2009.)