lundi 21 septembre 2009

Who’s That Knocking at my Door? de Martin Scorsese (USA/1967/90’’/35mm/N&B/VostFr).



Depuis sa ressortie en salle en juin 2009, j’avais très envie d’aller voir le premier film de Martin Scorsese avec Harvey Keitel, une œuvre qui me semblait indispensable de voir pour mieux connaitre l’univers dualiste et torturé du célèbre réalisateur américain. Je vais donc au MK2 Parnasse à 13h50 (plusieurs semaines qu’ils le jouent et plus que quelques salles le programment), dans la salle 1 remplie d’une dizaine de spectateurs seulement.
Résumé :
Petite frappe du quartier italien de New York, entre bagarres et beuveries avec ses amis, JR (Harvey Keitel) rencontre une fille (Zina Bethune) dont il tombe amoureux. Lorsqu’il décide de se poser pour l’épouser, il apprend que celle-ci a été violée quelque temps plus tôt et il ne peut en supporter l'idée ...

Cette première œuvre, film d’étudiant avorté dont le tournage débuta en 1965, avec une histoire plus centralisée sur le personnage de JR et ses errances avec ses potes dans les rues de New York (avant ce titre qu’on connait aujourd’hui, il a porté les noms de Bring on the Dancing Girls, puis de I Call First). On lui conseilla d’ajouter et de développer les scènes qui s’attachent à sa relation amoureuse avec une jeune fille (simplement mentionnée comme « The Girl »), qui permet au film de partir dans des élans oniriques et formellement inventifs. Mais c’est grâce à un producteur de films d'exploitation, Joseph Brenner, qui lui suggéra de placer quelques scènes de sexe afin de le distribuer, que ce film maudit pu avoir une courte vie en salles à l’époque. Un début difficile pour ce cinéaste culte et talentueux, avec ce film à l’aspect un peu bancal et rafistolé du à la jeunesse du réalisateur, son manque de moyens et les modifications qu’il a du subir pour permettre sa distribution. J’ai lu quelques critiques, dont certaines qui dénigrent ce film « sans intérêt, chaotique, ennuyeux et non digne de l’engouement qu’il provoque ».
Mais cependant, il faut quand même admettre que cet essai cinématographique est véritablement le creuset du style Scorsese, et mérite qu’on s’y penche un peu. Il impose déjà un style et des cadres nerveux, bruts, réalistes, un montage éclaté mais riche narrativement, des dialogues percutants si typiques de ses films et des personnages torturés et ambivalents entourés de seconds rôles hauts en couleurs. On retrouve le fameux et charismatique Harvey Keitel, dans un de ses premiers rôles de jeune beau gosse rebelle, véritable révélation du film, alter ego du cinéaste (avant De Niro).

De plus, les thèmes chers au cinéaste, comme la famille ou la religion (tous ces crucifix et ces statues de vierges et de saints, la fin rédemptrice à l’église, les nombreuses citations) qui omniprésentes dans ce film. La scène d’ouverture du film, muette, où la mère prépare à manger à ses enfants sages et silencieux de façon respectueuse et presque sacrée, contraste immédiatement avec des plans caméra à l’épaule de bagarres de rue violentes, et nous entraine dans les moments de vie d’un jeune qui galère avec son groupe, alternés avec ses rencontres et sa relation avec The Girl, qui est « une fille et pas une poule. Une poule c’est… » (et pour illustrer son propos, une soudaine séquence hallucinante et totalement libérée de toutes formes de contraintes, à la manière d’un clip illustrant ses ébats plus sexuels qu’amoureux avec différentes filles-en fait la même-dans une chambre vide avec juste un lit et du parquet sur une musique des Doors). La distinction entre amour et sexe, femme et putain, vierge et tentatrice, est clairement marquée et cette problématique des rapports hommes/femmes est ainsi déjà posée dans cette œuvre, ainsi que les difficultés de leur relation.
Mais ici, la liberté créatrice est primordiale, et ce film nous emmène ainsi dans l’errance mentale de JR, à travers les quelques élans expérimentaux et mouvements de caméra à la fois très primaires et très sophistiqués, pour exprimer ses sentiments, ses pensées, ses troubles. Gros plans sur des dos, des bras, des nuques, surimpressions et fondus, images gelées ou remontées plusieurs fois, montage fluide et musical, beauté et simplicité des corps, les scènes d’amour (les ajouts donc) sont particulièrement esthétiques (surtout celle des « poules ») et montrent ainsi immédiatement le talent cinématographique du réalisateur, et sa grande maitrise technique.

Pour ajouter encore à l’intérêt du film, mentionnons ses nombreuses citations et références cinéphiliques (inserts de westerns classiques comme Rio Bravo, nombreux clins d’œil/hommages aux Nouvelles Vagues françaises et américaines et même énergie), et musicales (celles-ci viennent rythmer le métrage et l’élèvent dans des sphères mélodiques et mystiques, proches de l’hallucination à certains moments),. C’est par un magazine français qui parle entre autre de cinéma que JR rencontre cette fille, et en parlant de John Wayne et de westerns qu’il semble la charmer. Encore une fois (comme dans A Bout de Souffle), le héros se prend pour un héros de film, alors qu’il en est un lui-même, dans une mise en abyme vertigineuse et audacieuse.
Who’s That knocking… est le premier film d’un amoureux du cinéma, qui donne envie d’en faire du cinéma.

Le noir et blanc ajoute à l’esthétisme du film aux accents expressionnistes et expérimentaux, mais certains plans semblaient bien sous exposés (phénomène du au tournage, à la restauration ou à la projection?), ce qui provoquait des changements de luminosité assez brusques. La copie 35 projetée avait aussi beaucoup de grain, surtout dans les scènes retournées plus tard entre JR et the Girl, en 16mm gonflé en 35, qui donne à ces séquences l’allure de flash-backs (comme si leur relation était passée). Un très beau film étonnant et plein de créativité et de dynamisme qui
annonce la future renommée de Martin Scorsese. Une première œuvre riche et pleine de promesses, qui me redonne envie de replonger et de redécouvrir l’œuvre du cinéaste aux gros sourcils (j’ai racheté récemment le DVD de Mean Streets et j’aimerai bien voir New York, New York chez Jacki), et aussi de faire du cinéma, à notre manière.



http://www.toujoursraison.com/2009/06/whos-that-knocking-at-my-door-inedit.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Who's_That_Knocking_at_My_Door
http://culturofil.net/2009/06/17/whos-that-knocking-at-my-door-de-martin-scorsese/
http://tinalakiller.over-blog.com/article-32609420.html
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/whos-that-knocking-at-my-door-1/
http://www.dvdrama.com/news-34232-harvey-keitel-jouer-comme-il-respire.php
http://www.lepoint.fr/actualites-cinema/2009-06-10/sortie-who-s-that-knocking-at-my-door-scorsese-au-seuil-du-succes/903/0/351233
http://laternamagika.wordpress.com/2009/06/30/whos-that-knocking-at-my-door-aka-i-call-first-bring-on-the-dancing-girls-de-martin-scorsese/
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/06/09/who-s-that-knocking-at-my-door-martin-scorsese-retour-a-la-source-d-une oeuvre_1204720_3476.html

Eddie, le 2 juillet 2009.

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