mardi 15 décembre 2009

...Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più) de Sergio Leone (Italie-Espagne-RFA/1965/132’’/35mm/Scope/Couleur/vostfr).



Et c'est reparti pour un classique du cinéma, cette fois-ci du western, plus précisément le western spaghetti, un monument cinématographique de Sergio Leone, le fameux ...Et pour quelques dollars de plus. Le cinéma Grand Action le présente en copie neuve intégrale restaurée (en salle 2 devant une bonne vingtaine de personnes), ainsi que Le Bon, La Brute et Le Truand, et surtout Il Etait une fois la Révolution que je compte aussi aller voir bientôt (à suivre), ressortis depuis fin octobre 2009.
Et quel plaisir de revoir ce grand chef-d’œuvre (mais si), second western de Leone et second volet de sa grandiose trilogie du dollar.
Comme son nom l’indique, le réalisateur revient gratter quelques poignées de dollars, après les problèmes judiciaires qu’il a rencontrés sur son premier western (totalement pompé sur Yojimbo de Kurosawa, il a dû payer des indemnités à la Toho suite à un procès), pour livrer un autre western commercial, mais avec de véritables intentions de mise en scène, dans sa forme et dans son fond (et accessoirement les mêmes ingrédients, dont Clint Eastwood et son fameux poncho troué dans le 1er film et retourné dans le second). Voila du grand cinéma de genre, à la fois populaire et plein de pistes de lecture.
Le film s’ouvre sur un long plan d’ensemble fixe, dans lequel évolue de très loin un cow-boy solitaire comme un point dans l’immensité du paysage, pendant une phrase sentencieuse et implacable (« Là où la vie n'avait pas de valeur, la mort, parfois, avait son prix. C'est ainsi que les chasseurs de primes firent leur apparition »), et paf un coup de feu hors-champ fait s’écrouler cet homme qui ne restera que silhouette dans ce film. Fondu au rouge, titre et générique sur la musique magistrale d’Ennio Morricone.

Résumé :
Deux chasseurs de primes aux méthodes très différentes, le colonel Mortimer (Lee Van Cleef), un ancien combattant de l'armée confédérée équipé d'un véritable arsenal, et Monco "le Manchot" (Clint Eastwood), un étranger vêtu d'un poncho, sillonnent le Nouveau-Mexique et le Texas après la guerre de Sécession, et exécutent leurs contrats avec violence et efficacité. Les deux hommes vont s'associer, afin d'éliminer El Indio (Gian Maria Volonte) et ses hommes, des bandits mexicains qui s'apprêtent à braquer la banque d'El Paso. Si les deux chasseurs de prime s’entendent pour le neutraliser, leurs motivations divergent, et Mortimer ne fait pas ça pour l’argent, mais pour venger sa sœur violée par El Indio.


Point de vue scénario, on la connait par cœur. Mais déjà, les archétypes sont incarnés par trois acteurs énormes qui dévorent l’écran avec leurs visages suintants et grimaçants et leurs yeux de braise (Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Gian Maria Volonté), entourés d’une constellation de seconds rôles étonnants de réalisme, telle une cour des miracles en plein cagnard (on note la présence du redondant Klaus Kinski dans un rôle de second couteau, bossu et au faciès marqué, ou encore le vieux prophète vivant au bord de la voie de chemin de fer, incarné par Joseph Egger, habitué des films de Leone) qui évolue dans des décors désertiques et abandonnés typique du western à l’italienne. Mais cette fois-ci, Leone, tout en restant très critique, est moins drôle que dans le film d’avant, et son univers semble encore plus fataliste et désespéré, notamment avec l’apparition dans son œuvre de ses fameux flashbacks traumatiques (et bien souvent psychédéliques, comme le montrent ce ralenti et cette musique lancinants, qui se reconstitue progressivement au long du film. On pense surtout à ceux d’Il Etait une fois dans l’Ouest et Giù la Testa). Les trois personnages principaux ont chacun une introduction développée au début du film, qui nous présente leurs motivations (en apparence en tout cas), leurs méthodes, et surtout très vite leur limite. Pas de manichéisme ici, personne n’est gentil, et surtout pas les deux chasseurs de prime, véritables charognards avides d’argent, et donc de bandits à zigouiller. Les deux chasseurs de prime ont des méthodes très différentes (arsenal minutieux et propre d’armes à feu de tous calibres et une précision meurtrière pour le colonel Mortimer, minutieux de surcroit comme le montre la géniale scène des pas comptés autour de la banque que tout le monde surveille, alors que l’Homme Sans Nom se caractérise par un calme à toute épreuve et un mutisme enrageant qui font perdre patience au plus endurci des pistoleros. En plus de ça, sa main droite est toujours planquée sous son poncho, et il ne s’en sert qu’au dernier moment, l’instant où son ennemi dégaine et se fait refroidir par Eastwood plus rapide que l’éclair et muet comme une tombe, avec son petit cigare que Leone lui a forcé à reprendre pour ce rôle, malgré la réticence d’Eastwood), qui font l’objet de scènes consacrées à nos deux héros, qui semblent pas si sympas que ça. Heureusement, le troisième protagoniste arrive vite, un pourri de la pire espèce qui n’hésite pas à tuer femmes et enfants, El Indio (excellent Gian Maria Volonte, troublant et instable), qui est tellement méchant, qu’on préfère quand même s’identifier aux 2 premiers qui finalement, au vu du type qu’ils poursuivent, ne sont pas si négatifs que ça. On comprend la rudesse du chasseur de prime quand on voit son gibier. Bon et puis là, il faut dire que le méchant est particulièrement gratiné, avec une tronche de dément pas possible qui traine un lourd passé derrière lui qui le hante sans cesse, tellement qu’il est obligé de se défoncer à la marijuana sous ce soleil de plomb, en écoutant régulièrement le son de cette fameuse montre, objet récurrent qui lui sert à rythmer la fin de ses ennemis (« Quand la musique s’arrête, tu ramasses le pistolet et tu tires. Essaie. », lors de la scène dans l’église abandonnée et du duel final contre Mortimer). Mais le colonel Mortimer a la même de montre, et on comprendra plus tard ce qui les « unit ». Et c’est dans ce film qu’apparait un des effets de style caractéristiques de l’œuvre de Leone, le flashback, qui arrive progressivement par intermittence, onirique et presque psychédélique dans cette ambiance d’aridité. Les images arrivent au ralenti, par morceaux choisis qui sont dévoilés au fur et à mesure de l’intrigue, jusqu’au duel final. Comme à son habitude, El Indio propose à Mortimer d’attendre la fin de la musique de sa montre (ironie du destin puisque c’est celle du colonel offerte à sa sœur qu’il doit venger). On attend anxieux, la musique commence à s’éteindre, la mort arrive. Mais soudain, à la surprise des deux duellistes, la musique de la montre reprend pour laisser un répit à Mortimer. Monco arrive avec l’autre montre, celle de Mortimer, et vient littéralement arbitrer ce duel intense. C’est à ce moment qu’on comprend les motivations de Mortimer, ce qui le pousse à la vengeance (on voit enfin la suite et fin du flashback, qui vient nous apporter les explications qu’on commençait à pressentir).


Mortimer n’agit pas par appât du gain, mais bien plutôt par vengeance, et là, on se marre moins que dans le premier, parce que ce n’est plus vraiment le même ton. Et c’est ça qui est fort avec Sergio Leone : à la bourré d’humour noir et critique qui nous permet de s’attacher aux personnages, et des grands élans dramatiques qui nous happent totalement dans la tension et l’action, ses films sont constitués de moments forts, épiques et héroïques ponctués de touches d’humour plus ou moins subtil qui ne brisent pas le rythme de l’histoire. De plus, on sait à chaque fois ce qu’il va se passer, on l’attend avidement en trépignant sur son fauteuil, et quand ça arrive, on est toujours surpris et presque étonné avec un plaisir sans cesse renouvelé (l’intro de Monco, où il s’immisce dans un partie de cartes pour emmerder le méchant, le faire craquer pour qu’il fasse le premier pas, dégainer son arme, afin de le refroidir en toute légitimité, ou l’incontournable duel final dont on attend l’apothéose durant tout le film). Leone sait user des codes du genre sans les épuiser, et maitrise parfaitement tout ce jeu d’attente et de suspense qui nous fait mijoter et bouillir. Et pour l’humour, notons une scène vraiment marrante, qui fonctionne sur les mêmes principes de suspense. Les deux chasseurs de prime vont enfin se confronter (pour le bonheur du spectateur qui l’espérait impatiemment), et cette situation est lourde et chargée de pression. Monco envoie un chinois ranger les affaires de Mortimer pour qu’il quitte la ville, celui-ci ne comprend pas et le suit, face à face avec le chinois interposé qui ne sait pas qui écouter entre ranger les affaires et les charger et finit par s’enfuir. Les deux se regardent plantés à quelques centimètres l’un de l’autre, Monco écrase la chaussure de Mortimer impassible, qui lui rend la pareille. Monco se fait écraser la chaussure à son tour, ce qui lui plait moyennement et il envoie un méchant coup de poing dans la tronche de Mortimer qui perd son chapeau. Il reste impassible en se relevant, et quand Monco tire dans son chapeau à chaque fois que Mortimer tente de le ramasser. Il finit par le récupérer car Monco n’a plus de balles, et alors qu’il est plus loin, il lui fait la même chose, à savoir tirer plusieurs coups dans le chapeau pour le faire voler. Ils finissent par se regarder et par se marrer allègrement. Scène d’anthologie, et tout ça, sous les yeux de quelques gamins hallucinés. (Notons un petit décrochement de pellicule pendant la séance, qui s’arrête quelques courtes minutes pour reprendre très vite, à ce moment là du film je crois.)


Sergio Leone est vraiment balaise et ce film en est une preuve.
...Et pour quelques dollars de plus est une œuvre de référence incontestable du western spaghetti, et un immense film de genre d’un auteur trop mal considéré.
C’est décidé, je vais voir demain Giu la Testa, qu’ils jouent aussi au Grand Action. A suivre.

http://french.imdb.com/title/tt0059578/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Et_pour_quelques_dollars_de_plus
http://www.youtube.com/watch?v=mLXQltR7vUQ
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article6688
http://www.dvdclassik.com/Critiques/et-pour-quelques-dollars-de-plus-dvd.htm
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/leone/etpourquellquesdollarsdeplus.htm
http://roroblog72.canalblog.com/archives/2009/11/01/15640309.html
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/et-pour-quelques-dollars-de-plus-66251
http://www.kinopitheque.net/et-pour-quelques-dollars-de-plus-per-qualche-dollaro-in-piu/
http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/et-pour-quelques-dollars-de-plus-1/
Eddie, le 6 déc. 2009.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire