dimanche 27 décembre 2009

Black Dynamite de Scott Sanders (USA/2009/90’’/35mm/Couleur/Vostfr).



Ce samedi soir, dans le cadre des « Pépites du Cinéma », festival itinérant de films urbains du 2 au 8 décembre 2009, le cinéma L’Etoile à la Courneuve projetait en avant-première et en entrée libre Black Dynamite (sortie en France janvier 2010), le second film de Scott Sanders. Programmation intéressante composée de films véritables « pépites », courts et longs métrages, fictions et docus à découvrir. (http://www.wix.com/lespepitesducinema/SITE-EDITION-2009).
Dès l’après-midi, on pouvait y voir un riche programme de courts métrages, et la veille, le film belge de Nabil Ben Yadir, Les Barons, qui sort aussi en janvier 2010 et qui a vraiment l’air excellent, et dont voici la bande-annonce : http://www.dailymotion.com/video/x430hf_official-teaser-les-barons_shortfilms et http://www.youtube.com/watch?v=vd8t9p2FyE4.
Public clairsemé (une vingtaine de personnes), pour ce film évènement qui remet le cinéma blaxploitation au goût du jour. La bande-annonce de ce film était déjà prometteuse, c’est donc avec l’eau à la bouche que je m’assois en attendant le début du film. Petite musique funky/soul pour patienter, l’accueil est sympa dans ce cinéma. Le film commence par une vraie-fausse pub juste énorme, vantant les mérites de l’Anaconda Malt Liquor, boisson assermentée par le gouvernement et visiblement délicieuse. Cette publicité ne prendra son sens que plus tard de manière judicieuse, dans un final narrativement chaotique. On pense à la bande annonce d’El Machete, et à tout ce délire Grindhouse réintroduit par Tarantino et Rodriguez.


Résumé :
Black Dynamite (Michael Jai White) est le type le plus redoutable et le plus cool de toute la ville.
Cet ancien commando de la CIA (et accessoirement proxénète charismatique) règne sur les rues, un 44 Magnum dans une main et un nunchaku dans l'autre. Avec sa pratique du kung-fu qui n'appartient qu'à lui, il fracasse la tête des mauvais payeurs, des dealeurs de drogue, et tous ceux qui se mettent en travers de sa route (la grand-mère d’un fourbe débiteur, une fabuleuse course poursuite à pieds contre Cream Corn de toit en toit, des tonnes de méchants qui font les malins, et même la première dame des Etats-Unis). Fier de sa couleur, Black Dynamite est aussi le chéri des dames avec son style trop classe (« Pas aussi fort mama, tu vas réveiller les autres bitches »).
Lorsque Jimmy, son frère, est mystérieusement assassiné, la CIA demande à Black Dynamite de reprendre du service. En remontant la piste d'une douille trouvée sur les lieux du crime (« C’est du lourd »), Black Dynamite se retrouve au milieu d'un vaste complot destiné à affaiblir l'Homme Noir: de la drogue est distribuée dans les orphelinats de la région et le ghetto est inondé de bière frelatée (revoici donc la fameuse Anaconda Malt Liquor présentée en début de film, qui est en fait destinée à réduire la virilité). Avec l'aide de la belle et militante Gloria (Salli Richardson-Whitfield), Black Dynamite décide alors d'éradiquer définitivement les auteurs de cet affreux complot, et remonte la piste jusqu’à la Maison Blanche...




Les poncifs du genre, codes et thématiques, sont exploités au maximum dans ce film, que ce soit au niveau narratif (le frère infiltré dans la CIA et mort par la drogue-en l’occurrence ici des dealers, les éternels loyaux amis militants des Black Panthers, le fléau de la drogue, le méchant qui s’avère être l’agent de la CIA ami du héros, les séquelles de la guerre du Vietnam, les politiciens véreux et les agents du gouvernement corrompus, le méchant et fourbe docteur chinois (excellent Dr Wu avec ses lancers de couteaux boomerangs qui surgissent de n’importe où), le complot politique caché derrière une simple histoire de drogue, toutes les femmes lascives qui craquent devant ce héros baraqué et imbu de sa personne (le sous titre « Hundred dollar suits, ten thousand dollar cars, million dollar ladies » en dit long), réunion de « pimps » en mode syndicat (scène géniale reflétant le fameux bon gout de ces maquereaux afro-américains), grosses poursuites hallucinantes et autres bagarres, on peut dire que Scott Sanders maitrise parfaitement son sujet. De plus, au niveau formel, tout est là : générique funky et nerveux, gros zoom et flous de mauvais gout, splits-screen, perches de micro dans le champ, faux-raccords, dialogues pourris qui ont l’air mythiques, nombre incalculable de stock-shots, esthétique un peu dégueu des 70ies (dans la lumière, les cadres, les décors, les attitudes des personnages), montage sauvage et bordélique (l’intro est géniale pour ça : après avoir buté la taupe qu’ils soupçonnaient, les bandits reconnaissent le frère de Black Dynamite, et un montage clipesque voire très cartoon, nous présente le héros « Dynamite ! » et les conséquences engendrées par cet acte meurtrier inconsidéré « Vous avez buté le frère de Black Dynamite, ça va péter.. ! », dans une série de plans très cut nous le montrant cassant des gueules, effectuant de monstrueuses attaques de diverses formes, entrecoupées de cascades et d’explosions impromptues, pour enchainer avec le titre du film et ses prouesses amoureuses « Où qu’il soit en ce moment, ça va barder », montage champ-contrechamp sur le héros et les filles pendant l’acte sexuel avec mouvements de caméra appuyés signifiant subtilement la vision subjective…), bastons incongrues mais relativement bien réglé par rapport aux films d’époque du même genre, seconds rôles et méchants hauts en couleurs (Cream Corn, Tasty Freeze, Gunsmoke, Kotex, Bullhorn, Sweet Meat, Honeybee, Saheed, Chicago Wind, Chocolate Giddy-Up, et autres noms farfelus).
Il est intéressant de remarquer comment le réalisateur se joue de tous ces codes, et les appuie même à certains moments (je pense notamment aux scènes avec des voitures qui sont utilisées par les acteurs n’importe comment dans le film.
Je m’explique : dans une scène, les méchants arrivent en voiture pour canarder, et en sortent en trombe. Personne n’a pensé à mettre le frein à main, et la voiture, pendant la fusillade, avance de quelques centimètres, mais est rapidement reprise en main par un des méchants qui tirent pour l’arrêter. Tout ça dans le même plan. Plus tard, une autre voiture de méchant arrive en trombe, se gare en dérapant sur le bas côté, et un des méchants en sorte en ouvrant violemment la portière, dont le coin inférieur se plante dans le gazon du bas côté. Il la referme tant bien que mal. Allez savoir si c’est fait exprès, ou si le staff cascade n’est qu’une bande de guignols, ce qui m’étonnerait au vu de la qualité des nombreuses pirouettes motorisées, pyrotechniques et autres bastons chorégraphiées qui ponctuent le métrage). D’ailleurs la scène où le héros effectue son entrainement de manière « traditionnelle » est juste énorme : après avoir violemment et brutalement dézingué ses partenaires d’entrainement (plan séquence fabuleux où la caméra reste sur et suit une de ces pauvres victimes, qui tombe à terre après un coup, y reste un peu pour éviter les chutes de ses coéquipiers, croit échapper à Black Dynamite et se fait surprendre à chaque fois qu’il s’enfuit d’un côté du cadre où l’autre l’attend de pied ferme. Totalement surréaliste quand on imagine l’acteur passer à chaque fois dans le dos de la caméra…), Dynamite s’apprête à exploser une pile de briques, quand un coup de téléphone lui brise son élan (« Qui ose me déranger pendant mon entrainement ?! »), sa tante qui l’appelle pour lui annoncer la mort de son petit frère. De rage, il finira par démolir les briques devant lui pour conclure la scène, après avoir congédié ses training-partners (« On se voit demain »). Trop fort Black Dynamite.


Mais si Scott Sanders a bien étudié ses classiques blaxploitation, il manque quelque chose, et on sent que ce film n’est absolument pas d’époque. Trop parodique, Black Dynamite frise parfois le très mauvais goût et la blague gratuite et bien grasse, qui ne fait malheureusement pas toujours rire. La scène dans l’orphelinat avec des enfants de huit ans défoncés au crack semble être un moment de comédie, mais on rit jaune quand même. Quand on pense aux films de l’époque, le sens est complètement détourné. Lorsqu’on voyait un héros noir péter la gueule aux dealers dans les 70ies, ça avait réellement du sens, la drogue étant un véritable fléau social et politique dans les ghettos noirs-américains. Ici, on prend ce phénomène de manière comique en détournant totalement le sujet et sa gravité. De plus, lors du souvenir de Black Dynamite, vétéran du Vietnam traumatisé, le réalisateur nous pousse vers la rigolade, alors que cette guerre a marqué les Etats-Unis (surtout qu’il raconte des souvenirs horribles et vraiment incongrus pour appuyer la parodie). On sent que le cinéma a depuis longtemps exorcisé ce traumatisme, et qu’aujourd’hui pour certains, ce n’est plus qu’un souvenir kitsch qu’on réactualise quand on veut parler du passé. Ici ces souvenirs d’une époque révolue sont détournés et ridiculisés pour servir le propos d’une revisite parodique et humoristique du cinéma blaxploitation. Au niveau de la forme, Sanders a tout compris, mais le fond n’y est pas, tout est parodié de manière grotesque, et je me demande si un vétéran du Vietnam, un militant des Black Panthers ou un ancien toxicomane, seraient pliés en deux devant ce film (en même temps, il y a sûrement de l’autocritique, j’ai du le prendre au premier degré, comme beaucoup de films d’exploitation, et ça doit être un film sûrement plus subtil..). Et que dire de cette baston finale contre le méchant suprême, un sosie de Richard Nixon trop balaise en bagarre (James McManus expert en nunchaku)…
Trop parodique, on sent que ce film n’appartient pas à l’époque qu’il décrit malgré son emballage usé très 70ies. On rigole bien, mais ça donne envie de revoir les vrais classiques de la blaxploitation (Dolemite, Shaft, Foxy Brown, Superfly), sur lesquels sont méchamment pompés ce Black Dynamite. Un genre de cinéma à redécouvrir, au-delà de son aspect kitsch et funky.



http://www.blackdynamitemovie.com/
http://www.imdb.com/title/tt1190536/
http://www.blackdynamite.fr/
http://en.wikipedia.org/wiki/Black_Dynamite
http://www.critikat.com/Black-Dynamite.html
http://www.kotonteej.com/?p=2657
http://www.excessif.com/cinema/critique-black-dynamite-4709096-760.html
http://www.wegofunk.com/Black-Dynamite,-un-blaxploitation-made-in-2009_a2518.html
http://www.filmsactu.com/critique-cinema-black-dynamite-8221.htm
http://www.dugrainademoudre.net/FESTIVALS/2009/SOIREES/BLACK_DYNAMITE.html

quelques trailers de classiques blaxploitation :
http://www.youtube.com/watch?v=AmZjD2UWoso (Superfly de Gordon Parks Jr.)
http://www.youtube.com/watch?v=erD0pCe0S5Q (Foxy Brown de Jack Hill)
http://www.youtube.com/watch?v=eZETcd3qMT8 (Black Caesar de Larry Cohen)
http://www.youtube.com/watch?v=IkjExJqf34o (Dolemite de D’urville Martin)
http://www.youtube.com/watch?v=NiCB2isZcRM (Shaft de Gordon Parks)
http://www.youtube.com/watch?v=u0TYI5b-Lmo (The Car Wash de Michael Schultz)
http://www.youtube.com/watch?v=0rD1OzJVoWY (Sweet Sweetback's Baadasssss Song de Melvin Van Peebles)
http://www.youtube.com/watch?v=0kI5IeAJJBQ (Black Belt Jones de Robert Clouse)

sites spécialisés:
http://www.blaxploitation.com/
http://blaxploitationfilms.free.fr/
http://www.blaxploitation.fr/

Eddie, le 5 décembre 2009.

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