dimanche 20 décembre 2009
Taxi Driver de Martin Scorsese (USA/1976/115’’/35mm/1:85/Couleur/Vostfr).
Après plusieurs mois d’absence, retour à L’Ecran à St Denis, cinéma de quartier qui propose comme à son habitude des séances intéressantes. On a pu admirer quatre films de Johnnie To en juin lors d’un weekend d’analyse filmique, cette fois-ci c’est Scorsese qui est à l’honneur, avec trois œuvres de ces débuts (Taxi Driver 1976, Mean Streets 1973 et Who’s That Knocking At My Door ? 1967), incontournables pour mieux comprendre son cinéma. La journée est présentée et animée par Laurent Aknin, historien de cinéma et auteur des livres « Analyse de l'image : cinéma et littérature » et « Cinéma bis : 50 ans de cinéma de quartier », qui nous montrera en premier Taxi Driver, après une introduction au cinéma de Scorsese, devant une salle 2 bien remplie (plus d’une trentaine de spectateurs). N’ayant pu voir que ce film aujourd’hui, je ne parlerai donc que de celui-là, en vous invitant vivement à voir ou à revoir les autres.
Film emblématique d’une époque et d’un duo mythique (Scorsese/De Niro), Taxi Driver est la description de l’Amérique (New York en particulier) des 70ies, un monde en perdition, où les rues grouillent d’une « faune » de dealers, putes, macs, pushers, drogués et autres déchets d’une société malade et décadente, et où le héros est un mec totalement seul et paumé, témoin et victime d’une misère humaine et sociale, et dont il semble à la fois exclu, absent d’une société dont il est en même temps un pur produit.
Résumé :
Travis Bickle (Robert De Niro), un jeune homme du Middle West a récemment été démobilisé des marines. Il en ressort une personnalité déséquilibrée et un individu refoulé, en marge de la société. Souffrant d'insomnie, il décide de prendre un travail de chauffeur de taxi à New York et se porte volontaire pour un travail de nuit. Il passe son temps libre à regarder des films pornographiques dans des cinémas sordides, et à rouler sans but dans son taxi.
Bickle est horrifié par la décadence morale qu'il pense voir autour de lui, et quand Iris (toute jeune Jodie Foster), une prostituée de douze ans et demi, monte une nuit dans son taxi pour tenter d’échapper à son mac (Harvey Keitel), il devient obsédé par l'idée de la sauver, malgré le total désintérêt de la jeune fille.
Bickle est obsédé aussi par Betsy (interprétée par Cybill Shepherd), une assistante du sénateur de New York. Au bout de quelques rencontres et après quelques cadeaux, elle accepte un rendez-vous dans un cinéma miteux où, contre son plein gré, elle va voir un film pornographique. Au bout de dix secondes de film, elle quitte la salle, dégoûtée. Travis, après s’être procuré toute une panoplie d’armes à feu, décide d'assassiner le sénateur. Il échoue et s'en prend au proxénète d'Iris. Il le tue, mais est lui-même grièvement blessé dans l'assaut. Il devient un héros de fait-divers pour la presse et les parents d’Iris, et il reprend sa vie normale comme si de rien n’était.
On retrouve les thèmes chers au cinéaste, la quête de rédemption (sauver une prostituée mineure en tuant les responsables de sa situation), une vision pessimiste et sombre des Etats-Unis malgré son amour pour ce pays, la dualité entre sexualité sordide et pureté des sentiments amoureux (la manière dont il voit Betsy pour la première fois, « blanche et pure », tel un ange dans cet enfer urbain), une vision si typique d’une ville mythique et animée, New-York, en particulier de nuit, un héros instable en marge de la société, solitaire et torturé (immense De Niro indissociable de l’œuvre de Scorsese, instable et névrosé). C’est d’ailleurs une des premières fois (après Les Visiteurs d’Elia Kazan), que la guerre du Vietnam est évoquée dans le cinéma américain, à travers ce personnage de vétéran mal dans sa peau qui n’arrive pas à retrouver sa place dans la société, errant dans les bas-fonds sordides de New York. De Niro dévore littéralement l’écran, avec son visage impassible et ses yeux fous et tristes. On ne peut plus oublier cette scène mythique, devenue incontournable dans la culture populaire moderne. Lors de ces longs moments où il scotche chez lui, une fois qu’il a acheté ses armes, il s’entraine devant son miroir à dégainer en se mettant en situation (le bien connu « You talking to me ? »). Dans les seconds rôles pittoresque, notons aussi Harvey Keitel, génial en proxénète embobineur, cheveux longs de hippie avec bandeau, chaussures à talon expansés, et ongle de l’auriculaire long et verni de sniffer de coke (la scène de dialogue entre De Niro et Keitel est excellente).
La fin arrive comme un couperet, séquence expéditive à la violence sèche et brutale, à la limite du gore (une main qui saute, des trous dans la tête et beaucoup de sang sur le sol et les murs). Une scène de violence sans complaisance qui vient exploser à la fin d’un film lent et chargé de pression. Malgré la violence de son acte (digne d’un « cow-boy » comme l’appelle Keitel, et représentatif d’une société où la justice est appliquée de façon individuelle), il deviendra un héros, encensé par la presse et l’opinion publique. De Niro incarne un personnage limite fasciste, sur lequel la guerre a fait des ravages, et dont le discours radical est sans concession aucune (la rencontre avec le sénateur dans son taxi et leur discussion est particulièrement significative).
Scorsese, à travers son personnage autodestructeur et ravagé, pose des questions dérangeantes, surtout pour l’époque. Dans une société dépravée et hypocrite, comment un facho psychopathe, asocial et paumé devient un héros ? Ce film étrange, qui met vraiment mal à l’aise du début à la fin (sentiment conforté par la musique de Bernard Herrmann, à qui est dédié le film), est particulièrement révélateur du malaise social de l’Amérique des 70ies, et laisse perplexe quant au message du cinéaste et la vision qu’il a de son personnage principal, qui semble avoir aucun issue, aucun espoir, aucun avenir, et se contente de survivre moralement. Son nihilisme et sa folie justicière sont pourtant fascinants et donnent au film cette saveur si particulière (je pense à la fin de la scène de flingage, lorsque la police arrive, et que Travis, blessé et mal en point, les regarde en souriant et se braque la tempe avec son doigt. Cet acte autodestructeur semble l'avoir fait "renaitre").
Taxi Driver est vraiment un grand film, fondateur de l’œuvre d’un immense cinéaste, à voir et à revoir.
http://www.imdb.fr/title/tt0075314/
http://scorsese.free.fr/taxi.html%20
http://fr.wikipedia.org/wiki/Taxi_Driver
http://en.wikipedia.org/wiki/Taxi_Driver
http://www.dvdclassik.com/Critiques/dvd_taxidriver.htm
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/scorsese/taxidriver.htm
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=308.html
http://www.arkepix.com/kinok/CRITIQUES/SCORSESE_Martin/critique_taxi_driver.html
http://olivier.quenechdu.free.fr/spip/spip.php?article3562
https://www.msu.edu/user/svoboda1/taxi_driver/
http://www.filmfestamiens.org/?TAXI-DRIVER
http://shauni81.skyrock.com/2622752070-Taxi-Driver-Martin-Scorsese.html
Eddie, le 12 déc. 2009.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire