samedi 16 janvier 2010
Tueur à Gages (Killer) de Darezhan Omirbayev (Kazakhstan-France/1998/80’’/35mm/Couleur/Vostfr).
Réveillé trop tard pour L’Armée des Ombres de Melville au MK2 Quai de Seine, que j’essaie de voir depuis un moment, j’y vais quand même pour un autre film du cycle « Melville et les héritiers du film noir », Tueur à Gages de Darejan Ormibaev, un film kazakh au titre accrocheur, à 11h25.
Une poignée de personnes dans la salle 4 (même pas une dizaine), le film commence direct sans aucune pub.
Un début contemplatif, quasi muet, plein de vide et manque. Un scientifique invité à une émission de radio, un jeune homme qui attend dans un hall. Un bâtiment labyrinthique aux couloirs anonymes et déserts dans lequel se perd le scientifique pour en sortir (magnifique série de plans d’errance silencieuse et solitaire du pauvre vieux qui cherche la sortie). Le jeune homme qui l’attend, c’est son chauffeur, et quand le scientifique réussit enfin à sortir de ce dédale de couloirs vides, ils partent en voiture. En une séquence avare en dialogues, on comprend qu’il y a un malaise dans ce pays, et à plein de niveau. Le scientifique semble galérer pour trouver des subventions pour ses recherches, et le jeune héros s’accroche à son boulot de chauffeur pour ne pas avoir à survivre de combines. Bienvenue au Kazakhstan, avec une présentation du pays beaucoup moins drôle que dans Borat.
Résumé :
A Almaty, capitale du Kazakhstan, Marat (Talgat Assetov) est un jeune chauffeur qui travaille pour un scientifique qu’il conduit. Un jour, en ramenant de l’hôpital sa femme et leur bébé qui vient de naitre, dans un moment d’inattention, Marat percute la voiture de devant, une Mercedes appartenant à un parrain quelconque, nouveau riche local important et influent. Le propriétaire lui demande de payer les réparations, Marat n’a bien sûr pas les moyens. On lui envoie des hommes de main lui casser la figure chez lui, et Marat est obligé de prendre un crédit à un fort taux d’intérêt afin de rembourser les réparations. Mais lorsque le scientifique se suicide car il ne peut faire aboutir ses recherches par manque de subventions, privant Marat de sa seule source de revenus, et que sa dette augmente jusqu’à devenir exorbitante, on lui propose de tuer quelqu’un, combine illégale que Marat a toujours refusé. Cette fois-ci, il ne peut se défiler et accepte avec contrecœur. Sa cible est un journaliste gênant qui dénonce la corruption ambiante et risque de compromettre le parrain influent.
Le titre ne prend son sens que vers la fin, quand le héros face à l’adversité et à son destin, devient malgré lui, un tueur à gages. Rien de bien glorieux donc, ce n’est pas un film allégorique de ce métier si romantisé au cinéma. Le cinéaste fait plutôt un constat amer et très pessimiste de la situation dans son pays en pleine chute libre suite à la fin du système soviétique de l’URSS.
Ici, pas de fioritures ni d’effets de style tapes à l’œil et racoleur digne du genre polar, bien au contraire, une mise en scène épurée suit l’errance d’un héros devenu fantôme, qui s’efface peu à peu et disparait de l’écran (sa mort restera d’ailleurs hors-champ, pudique et anecdotique, tout comme les confrontations physiques, souvent montrées après l’action), d’ailleurs ce personnage est loin d’incarner l’archétype du tueur à gage de ce genre de film, c’est plutôt un homme simple comme tout le monde qui bascule dans un univers clos et chaotique, où tout est à prendre et à reconstruire, traité d’ailleurs de manière très naturaliste et sans fioritures de mise en scène, assez proche d’un style documentaire qui se contente de montrer, sans intervenir dans l’histoire. Le cinéaste suit ce personnage, héros apathique et passif dans son errance, ses erreurs, la fatalité de son destin, témoin silencieux de son parcours tragique. Malgré son honnêteté et son intégrité, il semble totalement prisonnier de son environnement, qu’il subit tout au long du film (mais qu’il ne semble pas accepter, critiquant le trafic illégal, moyen de survivre dans ce pays, et le chaos engendré par ce phénomène), jusqu’à en perdre sa substance, son humanité, son existence. Il n’est pas grand-chose dans cette société, et malgré son désir d’échapper à cette condition, il restera prisonnier de celle-ci.
Les plans où il se trouve sur un toit, devant toute l’étendue de la ville, sont magnifiques, et soulignent cette solitude et cet effacement (songe-t’il au suicide, solution qui mettrait fin à tous ses problèmes ?).
Killer est le troisième long métrage de Darejan Ormibaev, après Kaïrat et Kardiogramma (trois films en K).
Une vision très pessimiste du Kazakhstan, après le passage au capitalisme et toutes ses dérives engendrées (marché noir, corruption, mafia), Tueur à Gages dresse un portrait peu engageant de son pays, et laisse un goût amer après sa vision, d’impuissance et de frustration. Un film à la mise en scène effacée, simple et honnête, tout comme son héros.
A noter que ce film a reçu 2 prix (Un Certain regard à Cannes et le Don Quichote Award au Karlovy Vary International Film Festival en République Tchèque et une nomination pour le Crystal Globe au même festival).
http://french.imdb.com/title/tt0157124/
http://zata.free.fr/chronique.php?id=209
http://www.theauteurs.com/films/1251
http://www.objectif-cinema.com/interviews/013.php
http://www.objectif-cinema.com/analyses/082.php
http://www.chronicart.com/cinema/chronique.php?id=565
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=62380.html
http://www.kinokultura.com/CA/reviews/killer.html
http://www.filmref.com/directors/dirpages/omirbaev.html
http://www.fichesducinema.com/spip/article.php3?id_article=1398
http://shangols.canalblog.com/archives/omirbayev_darezhan_/index.html
http://www.festival-automne.com/public/ressourc/publicat/1998cine/lalann09.htm
http://cinema.fluctuat.net/films/tueur-a-gages/1243-chronique-pas-drole-de-rouler-en-lada.html
Eddie, le 3 juillet 2009.
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