lundi 21 septembre 2009

La Nuit des Morts Vivants (Night of the Living Dead ) de Georges Andrew Romero (USA/1968/90’’/35mm*/N&B/VOstFr).




Lundi soir, pour commencer ma semaine cinéphilique, je vais voir le premier film de Romero, œuvre fondatrice du film de zombies et classique ultime du cinéma de genre, à l’Accatone, petit cinéma de quartier et sa salle unique. Hélas, si peu de monde sont présents à cette séance (5 spectateurs en tout), dans cette salle tout en longueur (près de 100 places).
J’ai pu voir récemment Land of the Dead (Le Territoire des Morts) 2005 et The Crazies (La Nuit des Fous Vivants)
1973, deux films que j’ai adoré et qui m’ont mis des grosses baffes (surtout The Crazies ). Ce réalisateur, spécialisé dans un genre bien spécifique, souvent relégué à du cinéma-bis/d’exploitation, est cependant
nécessaire, d’abord par une dimension critique exacerbée et virulente de la société et de la politique de son pays,
mais aussi et surtout pour son intérêt certain d’un point de vue cinématographique.
Il était donc indispensable de voir le premier volet de cette longue aventure au-delà de la mort, et le pilier, la
genèse d’un genre très précis et concentré. Le genre film de zombie n’est bien sûr pas une nouveauté crée par Romero, il existe quelques films avant, comme L'Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel (1956) ou Vaudou de Jacques Tourneur (1943). Historiquement, le premier film du genre est White Zombie de Victor Halperin (1932) avec Bela Lugosi.
Mais le film marquant véritablement un renouveau du genre est sans aucun doute La Nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead, George A. Romero, 1968); pourtant très mal accueilli par la critique à sa sortie : en effet, le film est violent, et très pessimiste, il comporte même des scènes de cannibalisme (la scène du barbecue des zombies avec la voiture en feu, et celle de la petite fille qui mange son papa mort). Il choque une Amérique puritaine qui sort à peine de trente ans de censure cinématographique imposée par le code Hays, et pose les bases narratives et esthétiques du film de zombies contemporain.
Et j’avoue moi-même avoir reçu ce choc aussi (interdit au moins de 16 ans nous annoncent les 1es images, ouhlala). Déjà, je ne m’attendais pas à du Noir et Blanc, je pensais qu’il était en couleur. Donc je suis surpris dès les premières images, on a l’impression d’être dans une vieille série télé cheap des 50ies en N&B, et cette esthétique lui confère une dimension plus impressionnante, plus réaliste. Caméra à l’épaule et mouvements bruts, son direct et angoissant (appuyée par des effets sonores grinçants et une tonitruante partition musicale signée Scott Vladimir Licina), le film (après un plan fixe sur lequel défile un générique en français. J’y reviendrais plus tard*) commence de manière très abrupte. On se retrouve direct dans un cimetière (scène mythique et cultissime qui pose véritablement les bases stylistiques et narratives du genre) avec ce couple de frère et sœur, qui d’ailleurs commentent la nuit qui tombe, et surtout les peurs de leur enfance (le fameux « They’re Coming to Get you Barbara »), pendant qu’un homme bizarre apparait et les attaque soudain, alors qu’ils en riaient.
Petit résumé (ahah) avant d’aller plus loin:
Venus se recueillir sur la tombe d’un proche, Johnny et Barbara sont attaqués par un personnage inquiétant. Horrifiée, Barbara voit Johnny se faire tuer. Elle s’enfuit et trouve refuge dans une petite maison perdue au milieu de la campagne. Elle y trouve Ben, ainsi que d’autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s’attaquent aux vivants. Barricadés dans cette maison, qui devient peu à peu le théâtre de leurs conflits, ils devront tenir toute la nuit les assauts des morts-vivants en attendant les secours.
Et on suit ensuite la pauvre Barbara qui ne va plus servir à grand-chose dans le film (c’est le perso-type qui pète un câble au début, générateur potentiel de problèmes plus tard), elle s’enferme dans une maison abandonnée dans laquelle elle trouve un cadavre (horrible et crado, en précurseur du genre gore), que les personnages laissent d’ailleurs à l’écart, alors que la télé leur annonce qu’il est important de bruler les morts pour ne pas qu’ils revivent, malaise latent qu’on oublie au final avec toute cette pression dramatique (le nombre de zombies qui augmente, les différentes annonces radio et télévisuelles en crescendo, les conflits d’intérêt et d’ego entre des personnages opposés, contradictoires, ambigus, le vain espoir de s’en aller en remplissant le camion d’essence et l’urgence de Tom qui provoque l’incendie puis le barbecue cannibale, l’illusion de la barricade et de la sécurité de la cave, et enfin l’arrivée des secours, des flics rednecks qui cartonnent tout ce qui bouge…). Les séquences en intérieur sont magnifiques, dans un style très expressionniste servi par le N&B, par une lumière contrastée et blafarde et des cadres dynamiques et bruts. On est enfermé, coincé avec eux et leurs embrouilles, alors que dehors il y a juste la mort. Romero met vraiment tout en place dans ce film, structure narrative, esthétique gore, personnages types et récurrents, morts vivants patauds mais tellement nombreux que c’en est horrible, et surtout conflits humains et sociaux qui passent au premier plan, et qui génèrent ce qu’il y a de pire en l’homme. Les rapports tendus entre eux sont particulièrement bien décrits, ponctués d’intrusions de l’extérieur (annonces du gouvernement et attaques de zombies), ils soulignent l’engagement critique de son auteur, qui parle d’ailleurs de l’Amérique et ses problèmes, à travers sa vision apocalyptique et catastrophée. L’utilisation et le traitement du héros de ce film sont particulièrement intéressants. Romero propose ainsi aux spectateurs de 1968 un héros noir (excellent Duane Jones), Ben, référence la plus censée, humaine et positive, personnage à qui l’on s’identifie dans ce huis-clos chaotique et oppressant. C’est lui le chef des survivants, celui qui prend les choses en main, et surtout prend en charge la survie du groupe. Seul survivant, on est enfin heureux et soulagé à l’idée de son sauvetage proche. On n’attend qu’une chose, c’est qu’il soit sauvé pour raconter, pour continuer à vivre. Mais la fin arrive comme un coup de massue, ahurissante et trop choquante, et relègue simplement tout ce qu’on a vu et vécut pendant ce film à une simple anecdote. Le héros se fait salement tuer par méprise, comme un pauvre zombie, sans que rien ne soit réglé. Toute cette histoire qu’on a vécu avec lui devient juste un fait-divers, synthétisé en quelques photos brutes dont on sent le grain sur ces horribles « sauveteurs » qui ramassent les cadavres de zombies (dont celui de Ben) à l’aide de crochets de boucher, lors d’un générique de fin angoissante et sans aucune issue. Le film finit donc sur cette impasse, et ne présage rien de bon dans la vision de l’avenir de Romero. Mais selon lui, c’est l’homme lui-même la propre cause de ses malheurs. Il impose avec cette vision apocalyptique un film capital (et vital) dans l’histoire du cinéma, miroir de l’être humain et du monde. A travers un film de genre devenu un classique mythique, Georges Romero propose une étude sociologique de la société (en particulier américaine) et de la place et du rôle des humains dedans (étude qu’il prolongera tout au long de son œuvre, souvent avec des zombies comme matière première).
Pour une première vision, La Nuit des Morts Vivants est une grosse claque cinématographique, sans non plus être un gros fan de ce genre en particulier. C’est tellement une histoire simple et universelle, qu’elle pourrait être adaptée au théâtre, et qu’elle en fait un film important, au-delà des genres. Décidément, j’aime de plus en plus les films de Romero.

**la copie présentée (distribuée par FSF/Films Sans Frontières/ un peu crade d’ailleurs, rien de grave mais on sent le vécu) était en 35mm, mais le tournage en 16mm. D’autre part, je suis étonné de voir le générique en français, pour un film ricain, mais j’ai cru comprendre que Romero avait fait n’importe quoi à l’époque avec les droits d’auteur et de distribution. Il existe donc d’autres génériques différents. D’ailleurs la version DVD éditée par Bach Films (zone 2), présente dans la VO un générique en anglais avec plus d’images du trajet en voiture pour aller au cimetière, au lieu du plan fixe sur la voiture. Ce film, tourné en noir et blanc du côté de Pittsburgh, a été réalisé avec un pauvre budget de 114000$US et en a rapporté 20 millions. Le chef-op, c’est Georges Romero lui-même qui signe un cadre et des lumières magnifiques.


http://www.imdb.com/title/tt0063350/
http://cinemafantastique.net/film1496,Nuit-des-Morts-Vivants-La.html
http://www.dvdclassik.com/Critiques/la-nuit-des-morts-vivants-dvd.htm
http://www.filmsfantastiques.com/article-19433857.html
http://www.horreur-web.com/nightofthelivingdead.html
http://archive.filmdeculte.com/culte/culte.php?id=42
http://www.cafardcosmique.com/La-nuit-des-morts-vivants-de
http://www.geocities.com/Athens/Parthenon/8458/dead.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Night_of_the_Living_Dead
http://www.films-sans-frontieres.fr/lanuitdesmortsvivants/
http://www.films-sans-frontieres.fr/lanuitdesmortsvivants/presse/DP_LaNuitdesMortsVivants.pdf
http://films.psychovision.net/themes/zombies.php
http://films.psychovision.net/critique/nuit-des-morts-vivants-144.php
http://fr.wikipedia.org/wiki/Film_de_zombies
http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Andrew_Romero

Eddie, le 8 juin 2009.

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