mercredi 23 septembre 2009
Nuit Polars Asiatiques au Champo (25/04/2009)
Ce samedi 25 avril 2009, le Champo, petit cinéma de la constellation de salles du quartier St Michel à Paris, proposait deux triples programmes (donc 6 films en tout !), autour de la thématique du polar asiatique, en particulier la Corée et surtout Hong Kong. Je me devais bien évidemment d’y aller, afin d’admirer ces films rares àvoir en salles.
Les six films programmés sont les suivants :
The mission (鎗火Cheung fo) de Johnnie To (1999)
Memories of Murder (살인의 추억, Salinui chueok) de Bong Joon Ho (2003) (1)
A Bitterseweet Life (달콤한 인생Dal kom han in-saeng) de Kim Jee Woon (2005)
The Chaser (추격자 Chugyeogja) de Na Hong Jin (2008)
Infernal Affairs (無間道 Mou gaan dou) de Andrew Lau et Alan Mak (2002)
Time and Tide (順流逆流 Shun liu Ni liu) de Tsui Hark (2000)
Bien entendu, impossible de mater les 6, et après un court dilemme, je décidais d’aller voir le programme de la salle 1, à savoir Memories of Murder, The Chaser et Time and Tide, n’ayant pas encore vu les 2 premiers (mais beaucoup entendu parler) et connaissant ceux de l’autre programme par cœur. Mais n’empêche, quand on entendait la musique de The Mission dans la salle d’à côté, bah merde, rien que ça, me donnait trop envie de le voir sur grand écran (je regrette de ne pas connaitre de techniques de clonage, j’aurais trop kiffé me dédoubler pour voir ce programme aussi…). Et puis A Bittersweet Life, avec tous ses beaux travellings sur de la musique classique (très coréen/Old Boy).
Pas beaucoup de travellings en tout cas, dans les deux premiers films, coréens. Des films, comment dire ?.. Deux ovnis. Le premier, investigation policière, monomaniaque, violente et totalement absurde, est du génial réalisateur Bong Joon Ho. J’avais bien aimé The Host, film de monstre décalé et à côté de la plaque, comme ses personnages (Song Kang-Ho, l’acteur qui joue le rôle principal des 2 films est juste énorme), son introduction (le professeur qui dit à son assistant de vider dans l’évier ses produits chimiques car les bouteilles sont poussiéreuses) et bien sûr le monstre (trop laid et en même temps très émouvant). On suit ici la descente dans les profondeurs de la folie et la violence d’une affaire de meurtres en séries bizarres (des femmes habillées en rouge les nuits de pluie), qui vire à l’absurdité : les flics tabassent les suspects (un simplet à la voix fluette qui s’endort n’importe où entre autre) pour leur soutirer des aveux, fabriquent des preuves, élaborent des théories abracadabrantes, et même le troisième enquêteur, un jeune policier de la ville perspicace et arrogant finit lui-même par plonger totalement dans cette enquête labyrinthique et absurde, au point d’en perdre son sang-froid et de finir par cogner aussi les potentiels suspects. Notons au passage la prestation excellente de l’acteur (Kim Roe-Ha), l’assistant véner de l’inspecteur, à l’affreuse coupe au bol, qui met des gros chassés dans les suspects à la moindre contrariété, et qui couvre ses grosses rangers d’une capote de tissu à fleurs pour les protéger.
Un truc génial chez les coréens aussi, c’est leur « Aaaissshhi » (« putain » je crois) qu’ils soupirent tout le temps.
Au final, Bong Joon Ho nous livre un film de genre (polar) totalement décalé. L’affaire n’est jamais résolue, mais peu importe, car ce qui compte c’est là où nous emmène le réalisateur, et les sentiments qu’il arrive à faire naitre chez le spectateur. Cette enquête absurde et presque pathétique est aussi une sévère critique de la société sud-coréenne, et un chef-d’œuvre de cinéma. On finit avec une petite citation : « Par sa richesse, sa perspicacité, sa critique de la société coréenne, son réalisme, son rythme angoissant et ses allures burlesques, ce long métrage assassine toute concurrence et toute référence ». (>http://www.cineasie.com/MemoriesOfMurder.html je vous invite d’ailleurs à aller lire cette critique intéressante). http://bernardmartialcegetene.neufblog.com/mon_weblog/%20(le 10/05/2009, long post sur le film).
Après une courte pause, on enchaine direct sur The Chaser de Na Hong Jin.
Joong-ho, ancien flic devenu proxénète, reprend du service lorsqu'il se rend compte que ses filles disparaissent les unes après les autres. Très vite, il réalise qu'elles avaient toutes rencontré le même client, identifié par les derniers chiffres de son numéro de portable. Joong-ho se lance alors dans une chasse à l'homme, persuadé qu'il peut encore sauver Mi-jin, la dernière victime du tueur. (>http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=134711.html)
Même genre d’histoire, mais en plus classique, et surtout beaucoup plus noir et violent. Ici, on est bien loin de l’humour trash et subtil (et oui) et l’absurdité de Memories of Murder. On rigole pas trop en suivant ce proxénète qui cherche une de ses filles et qui court désespérément pendant tout le métrage, alors qu’elle est pas loin et qu’à chaque fois qu’il a une occasion, on croit que c’est bon, il va enfin attraper ce putain de tueur en série. Une mise en scène bien angoissante et stress, qui ne résout rien et nous met dans un sale état. On est sur le fil du rasoir tout au long du film, en suivant ce personnage, qui, pur connard au début, s’adoucit peu à peu et acquiert une dimension humaine et touchante. On n’attend qu’une chose, c’est qu’il retrouve la fille, et le réalisateur réussit à nous faire accrocher, avec une deadline tragique et des (faux) rebondissements qui nous soulagent, puis
nous refont soudain bondir le cœur.
Quelques liens vers des critiques de ce film :
http://www.sancho-asia.com/spip.php?article1898
http://www.chronicart.com/cinema/chronique.php?id=11328
http://www.dvdrama.com/news-26679-avis-a-chaud-the-chaser.php
http://www.imdb.com/title/tt1190539/
http://www.lesoir.be/channels/cinema/the-chaser-interroge-l-2009-05-06-704802.shtml (interview du réalisateur)
Voila donc deux films venus du pays du matin calme qui mettent des grosses baffes, et qui sont surtout plaisant à voir sur grand écran, dans un vrai cinéma. Ces deux films sont vraiment à voir, d’un grand intérêt cinématographique, même en DVD. Soulignons en passant que les films de Bong Joon Ho sont basés sur des histoires vraies, que ce soit The Host (pollution industrielle) ou Memories of Murder (meurtres en séries de la fin des années 80 à Hwasung), liens avec la réalité qui leur donne encore plus de poids. Décidément, la Corée du Sud continue de balancer du lourd et d’apporter un souffle frais sur le cinéma mondial (notons aussi A Bittersweet Life, plus classique mais d’une grande qualité). Le seul petit point noir est que ces 2 polars, malgré leurs intentions et traitement différents, ont pas mal de ressemblances (héros pseudo-justicier en marge de la légalité, tueur psychopathe beau gosse et d’apparence clean et insoupçonnable, vision d’une police à côté de ses pompes, non-résolution des conflits dramatiques, et même la manière d’attacher les filles victimes), et les voir à la suite engendre quelques confusions entre les deux.
Surtout que le dernier film du programme n’a strictement rien à voir avec les 2 premiers, et contraste énormément avec ces « serial killer movies » coréens. Film d’action plus que polar, Time and Tide de Tsui Hark me semble inadéquat dans ce triple programme, et plus globalement dans cette nuit « Polars asiatiques » à la thématique claire et précise. Autant l’autre programme (The Mission, A Bittersweet Life et Infernal Affairs) est plus représentatif de ce genre spécifique en Asie (en l’occurrence Corée et Hong Kong), autant celui-ci est moins clair dans ses perspectives : deux films étrangement proches dans le contenu et les thèmes abordés et un autre qui s’éloigne de la thématique et des 2 premiers. Dommage pour la cohérence. Mais en tant que fan de cinéma HK, la cohérence, on s’en fout. En fait, c’est un réel plaisir de pouvoir admirer Time and Tide en salle, tellement ce film est une claque formelle au niveau du cinéma d’action. Ça bouge dans tous les sens (séquence du centre commercial puis du concert, scène de gunfight en varappe sur une façade d’immeuble, scène d’introduction des méchants en Amérique latine, et hop un petit accouchement, etc), chaque séquence d’action est un véritable défi à la gravité, on sent que Tsui Hark se fait plaisir à balancer un gros film d’action bien commercial, dans chaque plan qu’il tourne, dans chaque image de ce film et tous ses mouvements de caméra inventifs. Et puis le glamour hongkongais a toujours son charme (ahah Nicholas Tse en jeune premier). Après la gravité et le formalisme des 2 premiers films coréens, direction Hong Kong et son joyeux bordel. Comme à son habitude, Tsui Hark part dans plein de directions, et pas mal d’idées et de personnages sont mis de côté dans sa narration, pour se centrer autour de 2 personnages clés, opposés et complémentaires, qui vont s’entraider mutuellement malgré leur divergences et leurs conflits.
Un petit résumé pour plus de compréhension :
L'histoire se situe de nos jours à Hong Kong. Tyler est agent de sécurité débutant. Une nuit, il met enceinte Jo, ex-inspecteur de police. Il espère donc se faire vite de l'argent pour l'aider à élever son enfant. Il va faire la connaissance de Jack et de sa femme et deviennent amis. Mais Jack, ancien mercenaire mexicain est harcelé par son ancien patron pour qu'il retravaille avec eux. Jack finit par tuer son patron et tous les mercenaires sont maintenant à sa poursuite. Tyler va se retrouver involontairement impliqué dans cette affaire et, en plus de s'occuper de la mère de son enfant, doit aussi veiller sur la femme de Jack, elle aussi enceinte...*
http://fr.wikipedia.org/wiki/Time_and_Tide_(film,_2000) *
http://www.asiepassion.com/cinema/action/time_and_tide/index.htm
http://www.cineasie.com/Time_And_Tide_Tsui_Hark_Movie.html
http://www.imdb.com/title/tt0251433/
http://www.sancho-asia.com/article.php3?id_article=317
http://www.cinemasie.com/fr/fiche/oeuvre/timeandtide/
http://www.abc-lefrance.com/fiches/timetide.pdf (fiche intéressante)
http://www.oasies.com/Time-and-Tide.html
Enfin dans tous les cas, trop kiffant de voir ce film d’action à la caméra sans cesse mouvante
et dynamique, sur grand écran. Je crois cependant que Manu, gros fan de Bong Joon Ho depuis
The Host, a moins aimé celui-ci, il est resté scotché sur le premier film de la soirée…
Loin d’être le meilleur de Tsui Hark, ce film n’en a pas moins un intérêt cinématographique
évident qui le rend incontournable et culte, grâce au talent de mise en scène de ce réalisateur
prolifique et pilier de la nouvelle vague hongkongaise des 80ies. Mais dans un tel programme,
il est trop éloigné du genre polar et de ses codes et enjeux. Mais j’avoue que voir ce film en dernier m’a bien boosté, pour commencer une journée (dimanche) en renfort électro sur un tournage (Eh oui, c’est bien beau de montrer des films et d’en voir, mais participer à leur fabrication c’est aussi génial. Enfin bon, j’ai quand même pris cher sur le plateau et j’ai du dormir 2h pendant le repas, trop fatigué).
Pour revenir à cette nuit de cinéma, je trouve que ce genre d’évènement est une heureuse initiative, mais hélas encore trop rare en France.
De plus, je tiens à souligner le manque cruel de fréquentation : seulement une dizaine de spectateurs dans la salle 1 (je ne sais s’ils étaient plus nombreux dans l’autre), fait qui a étonné le directeur de la salle ou l’organisateur de la soirée, qui attendait plus de monde cette nuit, en espérant en avoir plus pour sa future nuit Almodovar. Un public clairsemé pour une nuit de polars dépaysants. Dommage. Peut-être à cause d’une mauvaise promotion…
Enfin bon, tant mieux pour ceux qui y étaient, bien installés pour la nuit dans une salle vide.
Et puis dommage aussi (encore une fois) d’avoir loupé l’autre partie du programme. Mais heureusement, The Mission sera programmé lors du weekend Johnnie To (voir compte-rendu de la 9e séance). On aura quand même la chance de l’admirer en salle. Et je comptais de toute manière vous montrer A Bittersweet Life et Infernal Affaires dans le cadre du programme « Triades et Yakuzas ». Rien n’est donc perdu.
Et puis voir Time and Tide m’a donné envie de vous montrer d’autres films de l’iconoclaste Tsui Hark. J’aimerai bien vous montrer The Blade (1995) ou encore son troisième film L’Enfer des Armes (Don’t Play with Fire. 1980), afin de gouter à l’imagerie baroque, très riche et culturellement dense de ce cinéaste touche à tout et prolifique (une constante à Hong Kong ?).
A très bientôt, amis cinéphiles.
Eddie, le 13 mai 2009.
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